Sous ce titre pour le moins étrange d' HHhH se cache une expression désignant le protagoniste Reinhard Heydrich : "Himmlers Hirn heißt Heydrich" ce qui veut dire "le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich" (merci Wikipédia). Adaptation du livre du même nom de Laurent Binet, le film suit l'ascension fulgurante d'Heydrich au sein du parti Nazi à l'aube de la 2nde guerre mondiale et son rôle dans l'extermination des juifs ; pour finir sur son assassinat par la résistance Tchèque (non ce n'est pas un spoiler, c'est de l'Histoire). Chose surprenante, je n'avais jamais réellement entendu parler de cette histoire et de ce personnage, pourtant clé ; ce qui m'a fait plaisir d'en apprendre un peu plus sur la 2nde guerre mondiale, surtout côté allemand.
Première chose, le film est bien filmé et est même joli à regarder. Un film très esthétique, si on excepte deux trois passages clipesque qui font tâche dans cette mise en image assez classique mais efficace. Cela peut aussi s'avérer un problème : certaines personnes ne pourront s'empêcher de voir dans cette esthétisation du sujet un moyen d'amoindrir l'impact horrifique du personnage sur l'Histoire. Je dis non. Jimenez n'y va pas par quatre chemins et les séquences de tueries sanglantes ne sont pas rares. Ce n'est pas l'esthétique qui prime dans un cas comme celui-ci mais l'histoire, la mise en scène et surtout les personnages.
De ce côté, on pourrait légitimement penser que le personnage principal est bien Heydrich, campé par Jason Clarke en forme mais pas transcendant pour autant. Eh bien oui, mais c'est plus compliqué que ça…cependant je vais y venir après. Le problème de ce personnage principal est qu'il est très intéressant mais le film n'y plonge pas assez profondément. On aurait vraiment aimé en savoir davantage sur cet homme de l'ombre. Et pour les autres personnages, c'est à peu près la même chose. La femme d'Heydrich est pas mal mais on ne passe pas assez de temps avec elle pour vraiment se préoccupé du personnage, et les deux résistants manquent de relief et sont convenus, à tel point qu'ils tiennent plus du stéréotype ou du mauvais film pour enfant. Mention spéciale tout de même à Gilles Lellouche qui arrive à toucher le spectateur alors que son personnage n'apparaît que 3 minutes (en voyant large).
À noter que tout ce petit monde parle anglais. Ce n'est pas un problème en soi et largement justifié en vue de l'exploitation internationale du film ; mais je n'ai pas pu m'empêcher, durant TOUT le film, de me dire "Pourquoi ça n'a pas été joué en allemand et dans les langues natales des pays ?".Le film aurait certainement gagné en véracité, bien qu'il y aurait certainement perdu un casting prestigieux. Ce qu'il faut surtout retenir des personnages c'est que le spectateur a l'impression de ne faire que survoler le personnage d'Heydrich. Comment c'est possible alors que c'est le personnage principal ?
Il s'agit d'un problème de mise en scène. Celle-ci n'est pas mauvaise, et notamment dans sa construction de la tension qui marche pas trop mal, mais le choix de narration de Jimenez me pose un problème :
Pourquoi avoir divisé le film en deux ?
Le film suit son cours et au beau milieu, on revient en arrière pour voir l’histoire d'un autre point de vue. Cela aurait pu être une très bonne chose si le 2e point de vue était en accord avec le premier, comme dans "À la folie, pas du tout…", mais malheureusement il ne l'est pas. On a littéralement l'impression de voir deux films différents et au vu de l'importance du premier point de vue, la deuxième partie semble quelque peu hors sujet. Pourquoi ne pas avoir fait un montage alterné ? Certes plus classique, mais beaucoup plus efficace dans ce genre de cas.
Ce problème en amène d'autres. Déjà, alors qu'une certaine tension se met en place assez efficacement et progressivement tout le long de la première partie, elle retombe d'un coup lorsque la deuxième partie commence et le spectateur a l'impression que tout ce qui a été fait avant l'a été fait plus ou moins inutilement.
Un autre problème est que face à ces "deux films", je me suis retrouvé à me demander qu'elle était le propos du film. Est-ce Heydrich et ce qu'il a commis pour le Reich ? Ou est-ce la résistance ? Là-dessus, je dirais que Jimenez s'est retrouvé devant une situation en porte-à-faux : Il voulait parler d'Heydrich et de son assassinat (sujet qui lui est cher et qu'il a déjà abordé dans « La French »), mais voulais aussi parler de la résistance et ne voulais pas la traité comme un sous-sujet. L'intention est plus que louable, mais le choix du metteur en scène de traiter les deux revers de la même histoire l'un après l'autre fait que le film semble dispersé et ne pas savoir ce qu'il veut.
Dernier problème qu'amène cette structure bancale, est que la première partie qui est extrêmement intéressante semble rushée. Ce qui m'a le plus choqué, c'est que tout l'aspect psychologique et de réflexion d'Heydrich lorsqu’il rejoint les nazis n'apparaît pas, alors qu'il y avait vraiment de quoi enrichir le personnage et énormément accroître la compréhension chez le spectateur et donc son empathie. La deuxième partie n'est pas moins bien faite mais beaucoup moins intéressante par ses personnages convenus, une histoire qui devient fatalement prévisible et une fin de film avec le côté "tire-larme" trop forcé et un ressenti artificiel.
Au final « HHhH » est un bon film, mais qui aurait pu être largement meilleur sans cette histoire de deux parties qui casse littéralement le film. Il y avait pourtant tellement à dire sur ce personnage immense et méconnu d'Heydrich.
Dommage, mais à voir quand même.