Nombreux sont les fans de Matthew Vaughn qui, comme moi, n’ont pu que déplorer qu’il déserte les suites de ses petits bijoux que sont "Kick-Ass" et de "X-Men : Le commencement"… surtout aux vu du travail de ses successeurs qui n’ont jamais su reproduire l’essence de son cinéma. Qu’il signe la mise en scène de la suite de son fantastique "Kingsman" avait, dès lors, de quoi faire saliver ! Le résultat est, pour autant, inégal. Car, autant le dire tout de suite, même si on retrouve bien le style du réalisateur et le ton du premier opus, ce "Kingsman : Le Cercle d’Or" ne parvient pas à se hisser au même niveau. Le premier tiers s’avère même franchement poussif dans sa surenchère spectaculaire à grands coups d’effets spéciaux (perfectibles, une constante chez Vaughn) et de ralentis (dispensables) ainsi que dans sa volonté affichée de rompre avec le passé. Ce dernier parti-pris est, d’ailleurs, plutôt une bonne idée puisqu’il permet d’éviter le piège de la redite. Mais, une fois n’est pas coutume, on se dit qu’il y avait peut-être la place pour un épisode s’intéressant exclusivement à l'agence Kingsman et à ses membres avant de s’exiler aux Etats-Unis. On doit, ainsi, faire le deuil de ce qui faisait la plus-value du premier opus, à savoir son élégance et sa véritable déclaration d‘amour à la culture britannique. Ce parti-pris met, par ailleurs, définitivement Egsy (Taron Egerton, définitivement charismatique) aux centres de toutes les attentions alors que l’opus précédent fonctionnait énormément sur ses relations avec les autres personnages (à commencer par son mentor Harry). Certes, Merlin (Mark Strong, impeccable) est fidèle au poste, le princesse suédoise (Hanna Alström) prend du galon en tant que petite amie officielle du héros et le méchant Charlie (Edward Holcroft) s’offre un retour "mécanisé" plutôt inattendu sous forme de Némésis. Mais, le cadre tellement stimulant auquel on s’était habitué a bel et bien disparu. Néanmoins, une fois passé le choc
(destruction du QG et de la boutique, mort de tous les agents dont Lancelot, mort du chien d’Egsy…)
, on peut se consoler avec la grande idée de cette suite qui s’intéresse aux cousins américains et leur agence Statesman. Les scénaristes s’amusent avec les poncifs US, comme ils l’avaient fait avec les poncifs britishs, et nous offrent quelques bons moments de rigolade, notamment grâce au personnage joué par Channing Tatum (trop vite écarté de l’intrigue cependant). Les nouvelles têtes du casting assurent, à ce titre, même si le trop rare Pedro Pascal (en adepte du lasso) a plus de choses à se mettre sous la dent que Jeff Bridges et Halle Berry. Il n’en demeure pas moins que les cowboys américains restent bien moins classes que les gentlemen anglais… ce qui se ressent dans cette suite qui perd en élégance ce qu’elle gagne en effets un peu outranciers. Heureusement, la méchante de l’histoire Poppy (Julianne Moore, incroyable) apporte un décalage et une touche de folie qui ne renieraient pas les frères Coen. Outre son repaire (tout droit sorti des années 50) qui est l’une des grandes réussites du film, le personnage réussit à être drôle et terrifiant à la fois. Grâce à elle, "Kingsman : Le Cercle d’Or" donne le change malgré ses difficultés à trouver le ton juste entre comédie et drame. Heureusement, le film trouve son rythme de croisière avec le retour improbable (pour qui n’a rien vu des bandes annonces bien sûr) d’Harry, campé par l‘irremplaçable Colin Firth. Si, dans un premier temps,
cette résurrection a de quoi laisser perplexe (même si elle est "justifiée" d’un point de vue technique, c’est déjà ça) tout comme son amnésie qu’on sent pouvoir être rapidement le boulet de l’histoire
, son "réveil" provoque, également, le réveil de l’âme du film puisqu’il permet à Egsy de retrouver son binôme… ce qui nous offre
LA scène d’assaut final à deux dont on avait été privée dans l’opus précédent
. Ce retour fait du bien… tout comme la direction politique que prend l’intrigue avec
un propos potentiellement polémique sur la tolérance vis-à-vis de l’usage de stupéfiants
. Quoi qu’on pense de ce propos, il est rassurant de constater qu’un film vendu comme un blockbuster se permette de franchir ce genre de ligne. C’est, également, dans cette deuxième moitié qu’on retrouve l’essence des anciens James Bond (le passage à la montagne en tête) ainsi que les scènes les plus fortes
(la mort de Merlin magnifiquement emphatique)
. On oubliera pas, pour autant, les défauts persistants du film qui reste, souvent, trop artificiel et qui manque de fluidité (le final semble ne jamais finir). De manière générale, on peut reprocher à "Kingsman : Le Cercle d’Or" un manque de structure scénaristique dissimulé, plus ou moins bien, par des grosses couches d’action et de fun. C’est suffisant pour apprécier cette suite… mais insuffisant pour reproduire le niveau d’excellence de "Kingsman". Etait-il possible d’égaler l’épisode précédent, qui devait sa réussite tant à son élégance formelle qu’à son propos anti-victimisation ? Je ne pense pas. En revanche, peut-être que cette suite aurait pu se montrer plus subtile à bien des égards… C’est, sans doute, avoir un degré d’exigence disproportionné (dû à la qualité de "Kingsman") qui ne doit pas faire oublier qu’on se trouve devant un spectacle très agréable, riche en vannes improbables
(ah les interventions d’Elton John…)
, en scènes inimaginables
(l’utilisation du hachoir à viande ou le mode de pose du mouchard sont inédits sur grand écran)
et en dialogues hilarants
(la réplique du vieux constipé m’a poursuivi un moment)
. A voir donc !