La désormais plus célèbre enseigne de tailleurs-espions anglais du grand écran réouvre donc ses portes après avoir sauvé le monde d'un milliardaire mégalomane zozoteur et de son assistante aux jambes aiguisées !
Retrouver une nouvelle fois l'association Vaughn/Millar (et n'oublions pas le compositeur Henry Jackman, un ingrédient indispensable à leur réussite) après "Kick-Ass" ou évidemment "Kingsman" premier du nom est la promesse quasiment toujours tenue d'un étalage de scènes d'action visuellement démentes confinant au fun ultime.
Quasiment... Car si "Kingsman" était indéniablement traversé de la folie de ses auteurs (le plan-séquence ahurissant dans l'église ou encore le feu d'artifice littéral de la dernière partie parmi d'autres temps forts sont encore dans toutes les mémoires), la structure du film était un brin ampoulée par son statut d'origin-movie se devant de nécessairement nous narrer le parcours initiatique de son jeune héros. Ainsi, au-delà des épreuves amusantes qu'il devait traverser pour acquérir le titre d'espion, la formation d'Eggsy (Taron Egerton) se révélait être le point faible du premier opus par sa prévisibilité de mise en abîme satirique Bondienne 2.0 (une sorte d'Harry Potter trash à l'école des espions pour être très caricatural) et, comme elle constituait le plus gros morceau du long-métrage, "Kingsman" n'était finalement pas aussi barré qu'il aurait pu être. Mais, encore une fois, on s'y amusait malgré tout beaucoup, Matthew Vaughn nous en mettait plein la vue, Colin Firth était déchaîné comme jamais, la dernière demi-heure était à tomber et c'était bien là l'essentiel.
Dès lors, libérée de ce contraignant passage obligé sur les origines de cet univers et de ses personnages, une suite pouvait clairement prétendre à embrasser tous les délires possibles en devenant LE film d'espionnage qui laisserait une sacrée odeur de formol aux smokings de ce bon vieux 007 par sa fougue, sa fraîcheur et son inventivité visuelle...
Comme pour nous rassurer en ce sens, "Le Cercle d'or" démarre à fond la caisse avec une séquence de poursuite en plein Londres à se décrocher la mâchoire d'admiration qui, tout en faisant également intervenir un second couteau du film précédent comme premier antagoniste, nous laisse sur cette bonne impression que ce second volet en finit avec les dernières bribes du passé pour mieux partir vers une aventure pleine de nouvelles péripéties délirantes. Problème, la suite des événements va vite nous faire déchanter...
Enfin pas la présentation jubilatoire de la grande méchante Julianne Moore dont le personnage s'avère extrêmement prometteur de par son environnement rétro-futuriste et sa cruauté mais plutôt lorsqu'on se retrouve à nouveau dans l'univers maintenant familier d'Eggsy et des Kingsman.
À partir de ce moment, "Le Cercle d'or" va sembler patiner pendant sa majeure partie à cause d'une multiplication de sous-intrigues qui ne passionnent guère, mettent une éternité à se mettre en place ou, le pire du pire, brillent par leur prévisibilité. Entre les affaires sentimentales d'Eggsy et les nouveaux équipiers dont on se questionne encore sur leur utilité (mention spéciale aux Statesman, les équivalents US des Kingsman composés d'un défilé de stars ne servant strictement à rien si ce n'est à enrôler un personnage avec un lasso électrique pour faire de belles images), le pompon reviendra à la très mauvaise idée de ressusciter Harry Hart, le Kingsman emblématique du premier film incarné par Colin Firth qui, ici et à l'instar de son personnage, déambulera comme s'il avait vraiment "la tête dans les papillons" (Mark Strong finira même par lui voler la vedette de mentor dans ce qui restera sans doute comme la plus belle scène du film), pas aidé par l'incompréhension du spectateur face à ce retour inutile qui ne trouvera jamais de réelle justification au milieu des facilités sur lequel il est construit.
Heureusement, les séquences d'action feront encore illusion, toujours aussi fluides et inventives avec leur utilisation de gadgets loufoques à gogo, notamment lors d'une dernière partie qui sera la théâtre d'un des affrontements les plus remarquablement mis en scène de l'année, renvoyant l'ensemble de ses concurrents blockbusters du genre au statut de petits invertébrés inoffensifs qu'on regrette déjà d'avoir vu.
Mais, hélas, même tout le talent visuel de Matthew Vaughn ne parviendra pas à masquer les trop nombreuses faiblesses de ce "Cercle d'or" qui à vouloir en faire plus, en fera toujours trop et paradoxalement pas assez, tombant dans une apparente folie au trait bien trop forcé pour être contagieuse (même la BO censée apporter du décalage apparaît toujours comme un artifice agaçant).
Les premières bonnes impressions autour de la diabolique Julianne Moore ne seront jamais confirmées, son plan machiavélique pour arriver à ses fins a beau partir d'une idée amusante (tout comme la réaction de la plus haute autorité face à lui) mais celle-ci se révèlera au final trop brouillonne et réduite à quelques séquences illustratives (le stade) rapidement expédiées. Le personnage, lui, restera comme figée derrière son comptoir jusque dans les derniers instants, bien loin des coups d'éclat marquants auxquels nous avait habitué Samuel L. Jackson durant le film précédent.
Toujours dans cette idée d'exagération vaine, "Le Cercle d'or" multipliera les tentatives pour retrouver cet esprit pop-fun rafraîchissant, marque de fabrique du réalisateur, mais encore, même là, rien ou pas grand chose ne fonctionnera, le film n'arrachant au mieux que quelques sourires et faisant pâle figure à côté de la jubilation qui caractérisait souvent son prédécesseur (l'exemple parfait réside dans l'utilisation d'Elton John dans son propre rôle qui ne fonctionnera que le temps d'une très courte scène)...
Trop longue, trop dispersée, rarement drôle et souvent ennuyeuse par un esprit de redite qui reste toujours en deçà des qualités du premier, cette suite ne vaut que pour ses morceaux de bravoure visuels, le seul point où elle ne déçoit jamais. Si troisième opus il y a, les espions anglais vont devoir se retailler un costume de bien meilleure qualité pour nous séduire de nouveau à l'avenir...