(pas d'inquiétude, mon commentaire est long mais à aucun moment je ne dévoile des scènes ni l'histoire du film)
Quand je suis sortie de la salle, je me sentais remuée avec une boule dans la gorge, sans pleurs. Nous avons tous les 2 eu ce même ressenti : moi (40 ans) et mon père (75 ans). Ce film est très puissant, il va loin, nous plonge dans la problématique la plus intime de chaque protagoniste. D'une lecture d'autrui sur autrui, de celle qu'on a de l'extérieur sur l'extérieur, on passe progressivement et sans effort surhumain ni autre intellectualisation, à une lecture de ce qui se loge dans le cœur de chacun. Le spectateur ne s'identifie pas qu'au personnage principal, mais à chaque partie de soi qui s'incarne dans chacun des personnages, à ces échos qui résonnent en nous. Cette lecture est plurielle. Elle nous invite aussi à éclairer l'amour, la peur, la souffrance reçus et données si souvent à notre insu. Résonnent aussi nos idées reçues, nos modèles et constellations familiales, si fragiles et fortes, résistantes et aliénantes, ces chaînes dont on ne se défait jamais, ces chaînes verrouillées, comme la signature de nos racines, notre ancrage, qui nous dévoilent ici l'amour issu du nids, qu'on sent irremplaçable, qu'il soit spontané ou construit sur des fantasmes, on y tient à cet amour qu'on croit pourtant conditionné par le rôle attribué, la place qu'on a choisi, par stratégie, hasard, nécessité. Qu'on la vive à fond ou qu'on s'y contorsionne, on a besoin au fond de nos tripes, d'être ce maillon, le seul que l'on connaisse et dont on sait qu'il participe au maintien de la chaîne. La plus grande performance de ce film : il nous montre ce qu'on n'a jamais voulu ou pu voir en soi et chez les autres. Au début du film, les scènes sont filmées selon notre point de vue, mais très vite le saut se fait, vite mais délicat, dans l'amour et le respect du spectateur. En sortant, j'ai saisi pourquoi 70% des critiques sont positives, avec beaucoup d'étoiles, et pourquoi 30% des critiques sont mauvaises, voire très mauvaises. Je pense qu'il faut être disponible psychiquement pour voir ce film, d'où les 70%. Pour les gens qui volent à la surface de la vie ou pour ceux à qui cela pourrait provoquer une indigestion, un déni ou réveiller une colère trop envahissante, bien sûr que cela représente 30%. Je pense que, même s'il peut troubler, faire se sentir inconfortable pendant 24 heures, ce film, c'est du miel pour notre soif de comprendre dans le silence, sans réfléchir, en laissant venir sans se poser de questions.