On ne ressort pas indemne d'un tel film mais bouleversé, chamboulé, déchiré, sens dessus dessous ! Oeuvre magnifique basée sur une famille dont aucun membre ne parvient à trouver sa place, à communiquer, à échanger. Que de sous-entendus et d'incompréhension, que de paroles cinglantes, que d'hésitations et de balbutiements, que de maladresses, que de cris, que de coeurs à fleur de peau, que de violences et de rancoeurs ! Face au retour du fils prodigue, chacun tour à tour se dévoile un bref instant puis se renferme sur soi, encore plus seul qu'avant. La mise en scène est exceptionnelle, tout est filmé au plus près des personnages, on a l'impression d'être à côté d'eux, on partage chacun de leurs battements de cils, de leurs souffles, de leurs palpitations, de leurs soubresauts. On est embarqué par un rythme tantôt trépidant avec des flots de paroles blessantes ou maladroites, tantôt apaisé avec des instants où le temps semble suspendu. Les acteurs nous livrent des performances renversantes, tous semblent constamment au bord de la rupture, de l'explosion. La direction d'acteur est exemplaire et Nathalie Baye, presque méconnaissable sous un maquillage outrancier, est formidable particulièrement lors de son tête à tête avec Louis incarné par un Gaspard Ulliel magnétique, sensuel et torturé. Vincent Cassel se révèle comme à l'habitude excellent jouant un fort en gueule, un écorché vif maladroit et provocateur. Marion Cotillard est impressionnante dans ses échanges hâchés et murmurés ainsi que dans ses regards lourds de sens. Enfin, Léa Seydoux joue magnifiquement la rébellion, la pudeur et la maladresse d'une fille qui n'a pas su grandir. La musique de Gabriel Yared est éblouissante et les choix de chansons sont judicieux avec en premier lieu la reprise de Françoise Hardy par Exotica et l'ouverture par Camille. Un drame familial déchirant, une belle réussite de la part du virtuose québécois Xavier Dolan !