Pas fan du tout de Dolan (le seul vu est Mommy, compte-tenu du tapage fait dessus : aussitôt vu, aussitôt bien agacée !), ce nouvel opus me tentait par contre beaucoup. La faute à l'histoire pourtant mainte fois vue (règlement de compte lors d'un repas de famille) mais qui permet toujours des moments intenses en perspective et dans lesquels tout le monde s'y retrouve ; mais aussi casting impressionnant à ne pas rater.
Le film est à la hauteur de l'attente à mes yeux, plus encore car je n'ai pas ressenti la même exaspération que lors du précédent film, bourré de clichés, facilités et d'émotions trafiquées. Indéniablement, le réalisateur s'est apaisé et pour le meilleur effet. Si cela crie tjs autant, cela prend ici plus sens et tout est fait de manière vraiment censée et puissante.
Encore une fois c'est grâce aux acteurs qui savent donner la touche juste à leurs rôles pourtant passablement ingrats. Ils savent s'arrêter là où il faut, à la limite du ridicule et du too much. On assiste donc à des performances merveilleuses, mention à Nathalie Baye, juste bouleversante. On sent tout l'amour qu'elle ressent pour le réalisateur ; elle y croit, elle se donne, elle est cette mère. On voit donc ce que cela peut donner quand un réalisateur dirige véritablement. Bravo alors à Dolan d'avoir réussi ce pari risqué de faire prendre des égos d'acteurs. Chacun a son moment, son monologue (pas Gaspard Uliel, personnage mutique mais tout autant puissant par son regard émotif) et son affrontement avec le fils revenu.
Autre chose sublime dans ce film : la réalisation. Si Mommy m'avait exaspéré, j'avais en revanche apprécié le talent du réalisateur, que personne ne peut nier, à défaut de l'aimer.
C'est assez exceptionnel que l'ont sache quel type de film on va voir, on recherche même ; qu'un réalisateur imprime autant sa patte, attire autant qu'il révulse, juste sur non seul nom ! On va voir un Dolan et pas le film en lui-même presque.
Tout est tour de force ici à l'image : les lumières (saisissant jeux de contrastes entre le chaud et le plus froid, la lumière et l'ombre), le cadre constamment serré sur les visages, qui étouffe le spectateur, presque forcé de rester dans l'histoire et l'émotion du personnage dont tous les traits sont ainsi exposés. Même la musique est plus douce, avec qq envolées, dont le tube O-Zone, qui, contrairement au passage de Céline Dion dans Mommy - désolée pour cette seule référence répétitive - est la bienvenue.
Reste l'histoire elle-même, faite de trop de non-dits, voire d'ellipses, pour qu'on comprenne bien le sens et l'intérêt final. On pourrait même se dire à la fin : tout ça pour ça? Dolan a fait le choix de laisser dans le vague, de ne rien expliquer. Il donne ses personnages presque en pâture, sans filet et donc avec des risques de perdre en route le spectateur. Ca passe ou ça casse ! Pour moi ça passe grâce donc à son talent mais ça casse aussi dans le doute qu'il met sur les causes et conséquences du thème. On en reste alors là, sur sa faim ?
Il faut alors prendre le film pour un moment de cinéma à part, fort, dérangeant aussi, sans but, comme un objet qui erre. Il n'apporter aucune réponse à une histoire de famille qui ne communique que dans le bruit et ne se livre que dans la violence des mots et des émotions. Famille qui s'est perdue et semble incapable de se retrouver autour du fils prodigue qui daigne enfin donner un peu de lui aux dernières lueurs de sa vie.
A prendre donc ou à laisser. A chacun de tenter ou non l'expérience tjs dérangeante de Dolan, encore et tjs un cinéaste à suivre de près, rappelons-le, il n'a que 27 ans!!! Ses chef d'oeuvres sont surement à venir.