« Juste la fin du monde » fait partie de ces films qui ont le don de se prendre la tête. Dolan les réunit, autant autour d’un apéro qu’une dispute, ces cinq chevaliers qui cavalent entre joie et fureur des retrouvailles, et les font (très peu) rire, se déchaîner et (beaucoup) pleurer. Il aurait pu choisir de garder la même couverture artistique pour border ses personnages (le théâtre, donc) mais non : Dolan est et restera avant tout un cinéaste expérimental qui aime s’imposer des défis. Alors il emporte certains défauts dus à l’adaptation, de ces interprétations qui partent parfois un peu trop vers l’aigu pour un genre tel le huis-clos à ces choix de mise en scène qui, au bout d’un moment, donne l’impression à un spectateur qui en veut encore plus qu’il tourne un peu en rond et que le réalisateur québecois découvert il y’a sept années de cela avec le terrible « J’ai tué ma mère » le fait tourner un peu en bourrique. Et même si cela fait toujours plaisir de retrouver, deux ans après le véritable exploit et génialissime « Mommy », qui lui a ouvert les portes de l’international, cette caméra si particulière qui enferme ses personnages avant de les pousser en plein vide libérateur, c’est un peu différent pour son sixième film. Non pas que sa méthode soit en sous-régime, non, juste qu’il en fait peut-être un peu trop, et qu’au bout d’un moment, et comme pour chaque technique, cela s’essouffle forcément. À force d’observer des personnages fermés dans la boîte créée par l’angle extrêmement rapprochée de la caméra,le spectateur se met à étouffer. Car les personnalités que Dolan met en avant sont elles-mêmes renfermées dans des carcans physiques. Quand une scène n’est pas très « longue » cela ne pose aucun problème. Le principal ennui c’est que des « scènes longues », il y’en a pas mal dans le dernier Dolan. Comme cette interminable séquence, entre violence morale et physique : Ulliel (impressionnant) et Cassel (assez décevant) dans l’encadrement d’une voiture, et le spectateur à l’arrière, qui se retrouve à la place de cet enfant assistant à la dispute de ses parents. Soyons clairs : c’est très bien pensé techniquement, sauf que la discussion entre les deux acteurs n’est réellement pas intéressante. Cassel en fait des caisses, ce qui empêche à l’intensité émotionnelle de faire son apparition, nous laissant patauger en pleine mare alors qu’on aurait pu être en plein océan. Dolan règle trop ses plans, et n’a pas eu l’air de laisser assez de temps à ses acteurs de trouver un arc assez juste pour réellement interpréter les personnages et non pas seulement les effleurer. Et cette scène longue et ennuyeuse intervient dans le montage quelques minutes avant la scène finale. Ça tombe mal. Comme le personnage interprété par Ulliel dans sa famille, en gros. Détail à noter : le casting féminin est réellement surprenant, entre une Cotillard toute en retenue (maladive), une Nathalie Baye dévorée par le maquillage et une Seydoux étonnante (et ça, c’est assez rare pour le souligner). Peu importe que ce Dolan soit moins réussi. On en verra d’autres, ça c’est sûr. Et certain?