Il se trouve que j'ai beaucoup de mal à écrire cette critique. Je suis entrée dans ce film comme dans un rêve pour ne me réveiller que lorsque la porte s'est fermée, le générique presque commencé. Ce que l'on retient de Juste la fin du monde, adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, ce sont essentiellement les émotions que l'on ressent tout au long du film, que Dolan nous colle dans le ventre, tous ces silences pesants mais nécessaires, car ils caractérisent cette famille mitigée entre joie, crainte et colère. « La violence sort parfois comme un cri ou comme un regard qui tue » prononce Xavier Dolan. C'est selon moi, toute l'idée du film.
Il est névrosé, les personnages ne tiennent pas en place, hurlent, puis respectent un grand silence dans la séquence suivante, ne laissant parler que leurs regards, sans aucun doute, plus puissants encore que leurs cris. Les gros plans choisis par Xavier Dolan pour exprimer au mieux leurs émotions laissent une grande place à ces regards, qui tiennent une place importante dans cette famille. Cette intention est surprenante tout comme une grande partie de l'esthétique du film lorsqu'on connaît le répertoire de Xavier Dolan, avec qui chaque plan prend part d'une esthétique poussée et travaillée ; j'ai trouvé ce dernier film moins original, moins coloré et créatif ; on ressent moins son style, mis à part dans quelques séquences comme celle du flash-back avec son ex-petit ami. Cependant, j'ai trouvé le travail des décors réussi, les jeux de lumières parfaitement exécutés, employant de fortes lumières par petites parties, contrastant avec les pièces de la maison particulièrement sombres.
J'ai été, si je puis dire, manipulée par le jeu des acteurs (Marion Cotillard, Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel et Léa Seydoux) qui portent une caractérisation atypique. Chacun d'entre eux se veut très différent des autres membres de la famille. Ainsi on assiste à une confrontation en huits clos (ou presque) d'une sœur heureuse, compréhensive et gentille, en face d'un Louis nostalgique et intéressant voire poétique, attaqué par un frère qui lui en veut, très violent, cru et agressif, tous encadrés par une mère passive, perdue et désemparée de la situation. J'ai beaucoup aimé le personnage de celle-ci, très implicite, dans la discrétion et à la fois omniprésent. Leurs comportements m'ont mise dans tous mes états, je suis passée d'une rage extrêmement forte envers le personnage d'Antoine, aux larmes pour des scènes plus calmes. La bande son, également employée pour laisser parler les émotions, est très, voire trop présente ; elle en devient quelques fois entêtante même si elle reste nécessaire au spectateur pour discerner les sentiments de chacun.
J'ai beaucoup aimé ce film et il m'a en même temps déçue en comparaison à d'autres films de Xavier Dolan comme J'ai tué ma mère ou Mommy, c'est pour quoi il m'est difficile d'avoir un avis bien défini. Une chose est certaine, c'est que ce film m'a vidée de mes émotions ; je compte le revoir un bon nombre de fois. On ne peut pas y rester insensible.