Je dois le dire, je pars toujours avec un préjugé défavorable dès qu'il s'agit d'un film de Dolan, mais ces petits agacements se placent sur des détails presque insignifiants, une manière d'être générale, le maniérisme gay, sa manière de filmer trop bien les hommes, de prendre plaisir aux visages masculins, de filmer leurs mâchoires parfaitement carrées en trop trop plans, trop longuement. Passé ces agacements là, il faut reconnaître que le roman familial qu'il tisse est d'une inquiétante familiarité : vulgarité de la vie de famille, tristesse de la vie quotidienne, rituels familiaux ridicules isolés du contexte clanique, frère (Antoine, joué par Vincent Cassel) aigri et bougon qui ne supporte pas, dans le fond, cette vulgarité là, à sa manière, tout ce qui rappelle l'enfance ou tout ce qui serait bêtement dit, bêtement tombé là, ces discussions bruyantes et sans fins, sans intérêts, ce bourdonnement incessant, la vie de famille dans toute son horreur, dans toute sa brutalité, sa méchanceté, ses frustrations, ses répétitions. Tout cela, cette « inquiétante familiarité », rend très rapidement captif, mélange de mélancolie et de mépris pour toutes ces discussions, histoires cent fois répétés, qui nous rappellent trop bien nos propres « réunions de famille », qui tournent souvent au fiasco, dont on attendait parfois beaucoup, plus jeune, naïvement et qu'au fil du temps, après leur avoir donné une chance, nous en attendons qu'une chose, l'isolement, enfin, avec soi-même. Loin du bruit, loin de ces méchancetés gratuites, ou ces bêtises, de frère, de mère, de père, dont on aurait voulu être aimé. Intervient alors, dans le film, la question du ressentiment, la méchante jalousie, les préférences pour l'un ou l'autre frère, qu'on ne s'explique pas, les amours blessés. Je ne sais, à titre personnel, duquel des personnes masculins je me sens le plus proche : d'Antoine, dont l'apparente méchanceté n'est qu'une forme de protection, les phrases cassantes, son ton constamment agressif, forme de prémunition contre la bêtise dont il aurait voulu que sa propre famille soit épargné, par amour. Mais c'est un amour et une exigence incomprise, bien entendu. Antoine ne supporte pas les histoires de sa femme, les histoires familiales, qu'ils considèrent – à juste titre – ridicule, la musique, il n'a aucune tolérance pour tout ce qui rabaisse ou rend ridicule sa propre famille, c'est à dire lui-même, impossible d'imaginer que c'est dans cela qu'il a pu grandir, s'épanouir et être finalement ce qu'il est, cet amalgame de goûts, de dégoûts, de destinées.Cette bougonnerie constante n'est dureté qu'en apparence et cache un cœur bon (le clin d’œil à son frère cadet, les souvenirs qui surgissent alors, de ces dimanche). C'est un nostalgique aussi, mais protégé d'une carapace, un amour blessé.
Le personnage principal, Louis, à quelque chose à dire. Il n'est pas exempt de fautes, ni d’égoïsme, il voulait quelque chose d'authentique, mais retombe dans l'enfer familial, les « histoires », le ressentiment, les pudeurs mal dissimulées.Sa manière de vouloir être exceptionnel, distingué, important, est agaçante, c'est vrai. D'un autre côté, agaçant est aussi le discours rabattu sur les uns et sur les autres, interprétation, le parler à notre place, « il est comme cela, il pense ceci ». Cette « vie familiale », cette vie quotidienne, veut suivre son cours, ne supporte pas le surgissement de l'extra-ordinaire, elle veut ronronner, se répéter, patauger dans sa rassurante bêtise. Elle se rabat sur l'intensité, elle veut rassurer, se rassurer. Rien ne peut surgit d'authentique, Antoine le sait, tente de protéger son frère et sacrifie sa réputation pour cela, l'idée qu'on se fait de lui (« évidemment, tout le monde est bien, sauf Antoine »), parce qu'il devance la chose, seul à comprendre. La famille : Rien ne passe de grave, rien ne passera au-delà des non-dits.
Qualité chez Dolan, sa faculté a chargé des musiques kitchs d'une certaine intensité mélancolique.