Avant la projection j'étais comme un affamé que l'on place devant son gâteau préféré ( Pour votre gouverne, le mien c'est le simplissime éclair au café). Avec "Juste la fin du monde", je me suis retrouvé devant une forêt noire, pâtisserie complexe mais qui, avec un bon savoir-faire peut s'avérer sublime lorsque le fabricant arrive à allier une génoise chocolatée légère, une crème chantilly délicate et placer les cerises avec harmonie. L'exercice est difficile comme sans doute l'est l'adaptation de toute pièce de théâtre à l'écran.
Avec passion et sans complexe, Xavier Dolan nous a donc concocté un film très (forêt) noir(e). La base est un remarquable mélange de stars du cinéma français ( Baye, Cotillard, Seydoux, Cassel, Ulliel) magnifiquement dirigés, voire sublimés par sa direction d'acteurs et une thématique forte ( la mort, l'homosexualité, et au-delà, l'accès au langage quand on ne peut pas se parler). La génoise est formidablement bien préparée. La caméra filme les personnages au plus près, capte l'intensité des regards, le moindre frémissement, perçoit ce que les mots ne peuvent dire. Le spectateur est totalement enfermé dans cette maison et reçoit ce huis-clos avec émotion. La crème, composée d'une belle lumière automnale ( bien que l'on soit dans une période de soi-disant canicule) enveloppe l'histoire de tons doux et la mise en scène, toujours très très inspirée, accompagne parfaitement l'ensemble.
Le fameux petit génie canadien a de nouveau frappé ? La décoration du gâteau n'étant qu'un jeu d'enfant, la partie est donc gagnée ?
Totalement électrisé par la réussite du gros oeuvre, Xavier Dolan a plongé ses mains avec fougue dans tous les ingrédients de décoration que lui offraient ses producteurs. Et hop des cerises confites par poignées ! Et hop des nuages de confettis multicolores ! Il ne résiste pas au plaisir, un poil vaniteux, de s'autociter à plusieurs reprises. Et un tube naze interprété dans une cuisine ( comme dans "Mommy" ), et un vêtement qui vole au ralenti ( comme dans " Laurence anyways" ) et, j'en passe. On flaire l'envie de coller dans son film tout ce qui a été encensé et remarqué dans ses précédents, histoire de faire une jolie compil et peut être avoir une palme. Pourquoi pas ? C'est ce côté frondeur qui fait son charme. Par contre, là où je grimace, c'est dans la surenchère d'une bande son lourdingue qui surligne inutilement pas mal de scènes. Des violons sirupeux quand il y a de la tendresse, des grincements quand ça s'engueule jusqu'à l'insupportable, dans la dernière partie, où le climax obligé de l'histoire est accompagné de grondements d'orage ! Vous rajoutez quelques tubes incertains mis en clip et servant de respiration comme dans un entracte et vous vous retrouvez à la fin du film, rassasié certes, mais un peu lourd aussi.
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