Je me suis rendu en salle sans rien savoir du film, ou presque : je n’en connaissais que les acteurs principaux et le fait que ce long métrage s’inspirait de faits réels. Bien sûr, si j’y suis allé, c’est parce que je savais quand même que nous allions avoir droit à un procès digne de ce nom. Et comme j’apprécie grandement ces combats juridiques, avec les joutes verbales qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs, il ne m’a pas fallu longtemps pour me décider. Et je n’ai pas été déçu, même si il y a quelque chose qui m’a rapidement interloqué. Le titre : pourquoi donner au film le nom de "Le procès du siècle" quand il n’est qu’une retranscription d’une affaire qui, me semble-t-il, n’a pas été médiatisée à travers le monde ? Sur la toile, on ne trouve pas grand-chose de ce procès, si ce n’est quelques encarts des journaux "Libération" et "Le Monde". En tout cas, je n’en connaissais pas l’existence, ou tout du moins je n’en ai aucun souvenir. Bon il est vrai que le sujet fait désordre, et vous comprendrez rapidement pourquoi si vous vous décidez également de vous rendre en salle afin d’en savoir davantage. Mais je crois que pour apprécier ce film à sa juste valeur, il faut aimer le monde des tribunaux, aimer les combats verbaux, et avoir un grand respect envers le genre humain, quelle que soit sa race ou sa religion. En dehors de cela, ou s’il vous manque un des trois aspects que je viens de citer, "Le procès du siècle" risque fort de vous paraître long et ennuyeux. Et pourtant… Pour écrire le scénario, tout en se basant sur le propre livre de Deborah Lipstadt ("Denial : Holocaust history on trial"), David Hare a minutieusement épluché les archives ayant reporté les 40 jours de procès. L’exercice était périlleux parce que la réécriture de l’Histoire n’est pas toujours possible. Le cas qui nous intéresse entre dans ce cadre, d’autant plus que la réécriture de l’Histoire est un des enjeux de ce procès. Le scénariste n’avait donc pas le droit au moindre écart, et c’est en reprenant mot pour mot tous les dialogues de prétoire consignés dans les archives officielles qu’il a reconstitué ce procès hors du commun. Bien sûr, il n’y est pas arrivé seul, puisque la véritable Deborah Lipstadt l’a beaucoup aidé dans l’adaptation. Le souci d’authenticité a même été poussé jusque dans les coiffures et les costumes, que ce soit les tenues des hommes de loi, ou les tenues de Deborah, similaires en tout point pour certaines à celles portées par l'enseignante. Malgré les premiers mots choquants issus d’une sorte d’archive télévisuelle, la réalisation est sobre, si sobre qu’on pourrait la qualifier d’académique. Cependant elle est intelligente, présente bien le contexte avant de se dérouler dans un rythme parfait, le plus naturellement du monde, sans longueur notable. On ressent parfaitement les états d’âme que traverse Deborah Lipstadt, qu’elle soit confrontée à un procès qui tourne mal ou à ses propres avocats qui ne démordent pas de la stratégie qu’ils ont mis en place. Le procès est maîtrisé de bout en bout, simplement parce que chaque mot prononcé est d’une importance capitale. Les uns enfoncent le clou, les autres se retournent contre celui qui les a prononcés. Certains propos sont choquants, d’autres sont savoureux, bref c’est un régal pour tous les amoureux des mots. Si Rachel Weisz signe une interprétation très honorable dans la peau de Deborah, mes mentions spéciales reviennent à Tom Wilkinson dans le rôle de l’avocat Richard Rampton, et à Timothy Spall dans le rôle de David Irving. L’un attire irrémédiablement toute notre sympathie avec son air de patriarche protecteur attentionné et compréhensif, l’autre s’adjoint notre antipathie à tel point qu’on rêve de le voir se faire atomiser durant le procès alors qu’on le voit devenir peu à peu de plus en plus seul et isolé. Pourtant, et franchement ça me navre de devoir dire ça, on peut d’une certaine manière comprendre le point de vue du négationniste, surtout à une époque (an 2000) où il faut dans chaque enquête une preuve tangible et irréfutable, en résumé du concret. Andrew Scott ne démérite pas non plus en valeureux chef d’orchestre qui doit mener son équipe à la victoire. Je crois qu’on peut dire que la réalisation de Mick Jackson est sans véritable parti pris, ce qui constitue un exploit sur un tel sujet. En revanche, la musique m’est passée totalement inaperçue. Donc elle ne choque pas, mais ne porte pas plus que de raison les séquences les plus émouvantes. Finalement, la musique est aussi sobre que la réalisation. Le seul truc qui me manque, ce sont les quelques précisions sur le devenir de David Irving et de Deborah Lipstadt. C’est dommage, ça nous éviterait d’aller chercher ce genre de réponse sur le net.