19ème siècle, Minty est esclave. A la mort de son propriétaire, le fils héritier décide de la vendre. La jeune femme refuse ce sort et va traverser les Etats-Unis pour gagner un État non esclavagiste. Traversant seule plus de 100 kilomètre, aidée par des passeurs anti-esclavage sur le chemin, elle parvient à son but, prend un nouveau nom Harriet Tubman, et une nouvelle vie. Mais cela ne lui suffit pas, et elle décide de retourner vers le Sud pour ramener sa famille. Elle devient alors une des passeuses les plus mythiques des "voies de chemins de fer clandestins", filières permettant aux esclaves de fuir.
Le film bénéficie de l'interprétation remarquable de l'actrice principale, mais aussi de tous les acteurs secondaires, et aussi de la qualité de sa reconstitution historique niveau décors et costumes.
Le film, pour ses 3/4, fait le choix heureux de la reconstitution ne cédant pas sur la question de la complexité. Ainsi, la dimension mystique de Minty, croyante fervente, animée de "visions" prémonitoires qu'elle connait depuis un choc dans son enfance, et sa conception de l'anti-esclavagisme est fortement marquée par ce qu'elle considère comme sa mission divine. Noirs libres mais au service de leur ancien maître, noirs esclaves mais satisfait de leur condition privilégiée, violences et inhumanité envers les esclaves, conception avant tout économique par des propriétaires au bord de la faillite, noirs nés libres... Le film parvient à offrir une large gamme de cas particuliers, laissant à offrir une diversité de conditions des noirs avant la guerre de sécession. L'utilisation du blues est une très bonne idée, mettant vraiment en valeur cette musique dans son contexte historique.
Le principal défaut, qui se fait de plus en plus important au fur et à mesure de l'avancée du film, concerne le traitement en tant qu'héroine d'Harriet. En effet, aux USA, le personnage est devenu mythique, rare cas de femme noire célèbre du 19ème siècle. Son effigie devait être inscrite sur des billets de banque, avant que Donald Trump ne freine le projet, voulant flatter son électorat sudiste nostalgique de l'esclavage. Il y a donc une dimension politique évidente au personnage. C'est certainement la raison pour laquelle le film choisit un traitement glorificateur, hagiographique. Si l'on comprend bien qu'il s'agit d'élever au rang de "grande femme" une figure noire féminine, face à la multiplicité des "grands hommes", je ne suis pas particulièrement convaincu par le fait d'appliquer le même genre de traitement hagiographique. Ainsi le film décide de se clore sur une "bataille finale" voyant Harriet affronter son ancien maître. Toute une partie du parcours d'Harriet est éclipsée : rôle dans la guerre de Sécession, dans les mouvements abolitionnistes plus institutionnels... C'est que cela serait l'inscrire dans une dimension plus collective, ce que le film refuse de faire, par exemple en ne présentant pas l'importance des réseaux d'Harriet, mais plutôt en la montrant tout faire seule.
Un film très bien mis en scène, porté par un personnage principal fort, et qui parvient à montrer une situation dans sa complexité, mais qui selon moi pâtit de l'héroisation excessive du personnage.