Pour la 2e fois consécutive (après « Deux jours, une nuit » ), les frères Dardenne n’ont pas séduit le jury cannois (pour rappel, à leur actif, le palmarès le plus prestigieux du Festival à n’en pas douter : deux Palmes d’Or, un Grand Prix, un prix du scénario et de nombreux prix d’interprétation). Ici, et comme souvent dans leur filmographie, une femme est au centre du récit. Jenny Davin, jeune médecin généraliste, est en proie à un grand sentiment de culpabilité. La jeune femme à qui elle n’a pas ouvert la porte de son cabinet pour cause d’horaire tardif a été retrouvée morte, probablement assassinée. La police ne parvient pas à l’identifier. Tout en continuant à exercer son métier sacerdoce et tout en tentant de convaincre son ex-stagiaire de poursuivre ses études de médecine, le Dr Davin mène l’enquête. Elle veut retrouver le nom de la victime pour lui offrir une sépulture digne. On est vraiment dans du Dardenne pur jus. C’est à dire un cinéma social, dur, filmé par temps gris (la Belgique quoi ☺ ), à hauteur d’hommes, sans artifices et sans beaucoup d’humour (contrairement à Ken Loach, leur pendant britannique, qui sait se marrer parfois). On n’est pas là pour rigoler et cette obsession des sujets sinistres peut certainement lasser. Car les Dardenne creusent leur sillon imperturbablement, construisant une œuvre d’une grande cohérence, à peu près irréprochable sur le fond mais toujours délibérément austère dans la forme. Cependant la rudesse n’empêche pas l’émotion, bien au contraire. Le désarroi de cette femme opiniâtre prend aux tripes et la quête qu’elle poursuit ne manque pas d’intensité. Et puis, le portrait en creux de ce docteur solitaire est assez captivant. La fille inconnue, c’est un peu elle aussi : on ne sait rien de ce personnage, juste ce qu’elle veut bien livrer dans les relations plutôt chaleureuses qu’elle entretient avec ses patients. Adèle Haenel, très sobre, insuffle beaucoup de délicatesse dans ce rôle un peu rigide.