A la sortie de la projection publique de l’Acinapolis ce vendredi, les spectateurs n’étaient pas unanimes sur le dernier film des frères Dardenne. Certains trouvant que « ce n’est pas peut-être le meilleur d’entre eux », d’autres que c’est le plus intimiste… Ce qui revient pourtant sur beaucoup de lèvres, c’est cette capacité qu’ils ont à filmer un quotidien avec un réalisme déconcertant. « La fille inconnue », un film lent ? Bien évidemment, la vie ne l’est-elle pas ? Nos jours sont-ils rythmés comme ceux des héros de blockbusters américains ? Pas du tout ! C’est d’ailleurs pour cela qu’on apprécie le choix des deux cinéastes de toujours prendre le temps de connaître leurs héros, d’aborder leur psychologie et comprendre ce qui les anime. Ici, c’est la vie de Jenny qui est au centre de nos préoccupations, cette jeune médecin en quête de l’identité d’une femme qu’elle n’a pu sauver.
Mais ne nous méprenons pas. Le sujet central du film n’est pas tellement l’enquête menée par la doctoresse. C’est plutôt la façon dont elle tente de se décharger de sa culpabilité de ne pas avoir ouvert sa porte un soir d’après garde, celle de garder une distance avec ses patients, de ne pas trop s’impliquer émotionnellement dans les événements de son quotidien. Etrangement, le personnage interprété par Adèle Haenel l’est physiquement. Elle semble détachée de tout, intériorisant ses sentiments et ne dévoilant jamais rien de ses émotions. C’est un paradoxe qui peut déconcerter les spectateurs : comment un personnage si placide peut-il être autant affecté par ce qu’il vit ?
« La fille inconnue », c’est aussi et surtout l’occasion de retrouver quelques membres de la famille des « Films du Fleuve » et d’entrer dans l’univers du cinéma social des deux cinéastes de chez nous. Ainsi, on prend plaisir à retrouver: Fabrizio Rongione, Jérémie Renier, Olivier Gourmet, Christelle Cornil, Jean-Michel Baltazar ou encore Thomas Doret (« Le gamin au vélo » qui a bien grandi depuis). Au milieu de cette fratrie, on se surprend à retrouver Marc Zinga, acteur et chanteur belge, vu dans « Les rayures du zèbre » ou « 007 : Spectre ».
Et au milieu de ce casting belgo belge, on découvre la figure de proue de ce nouveau long-métrage: Adèle Haenel. La comédienne française de 27 ans a fait ses débuts sur grand écran en 2002, avec « Les diables » de Christophe Ruggia. Depuis, la parisienne a enchaîné les (seconds et premiers) rôles souvent dramatiques (on pense aux films « Suzanne » ou « Les combattants »). La comédienne est d’ailleurs très sollicitée cette année puisqu’elle est également à l’affiche de « Orpheline » d’Arnaud des Pallières, en compétition officielle. Dans « La fille inconnue », elle apparaît le visage marqué par la fatigue de son métier et par la culpabilité qui l’assaille. Qui est cette jeune femme à qui elle n’a pas ouvert la porte ? Cette question est au centre de toute ses attentions mais pas seulement. Elle chercher à comprendre le mutisme de son stagiaire, à qui elle a conseillé de prendre de la distance avec ses patients, la réaction de certains de ses patients et la raison qui pousse les habitants du coin à ne rien révéler de l’identité de la jeune fille. Malheureusement, malgré les bonnes intentions de la comédienne, on peine à s’identifier à son personnage, restant extérieur à son enquête qui, très vite, piétine sur place, tout comme le rythme du film.
Loin d’être un polar (il est plus que cela), « La fille inconnue », dernier film de Luc et Jean-Pierre Dardenne divise, c’est un fait certain ! Mais cela n’enlève rien à la sympathie de leur équipe qui a honoré le Festival de sa présence, même à l’autre bout de Namur, où 170 spectateurs attendaient impatiemment de découvrir leur dernière réalisation à presque 22 heures.