C'est une artiste dévorée de l'intérieur. Ce qui la sauve et l'effondre à la fois, se situe dans son physique ingrat, masculin, qui lui a valu des milliers de quolibet à l'école, mais dont elle sort une puissance vocale déroutante et sensuelle. Evidemment, la magie de ce genre de film réside dans la subtile combinaison des témoignages contemporains et des images d'archive. Les lettres de la main même de l'artiste accompagnent vocalement souvent le film, rajoutant au nécessaire effet romantique du Biopic. Toutefois, le réalisateur n'en fait pas trop. Il montre la chanteuse aussi talentueuse soit-elle, dans ses débordements comportementaux, ses excès d'alcool et de drogue, qui la mèneront à une mort prématurée. On pense au récent film sur Amy Winehouse qui dressait le portrait d'une pure dandy, comme elle, assommée de talent et de douleurs, mais avec quelque chose de plus concret, de moins désinvolte. "Janis" est donc un film sur une chanteuse incroyable. Mais c'est aussi un film sur toute une génération, celle des années 60-70, une période de bouleversements culturels, artistiques, politiques et moraux. Janis Joplin apparaît ainsi comme une sorte de chantre de la liberté qui se sert de son talent inouï pour gagner son émancipation féminine. Elle lutte pour sa survie, son art, certes, mais aussi pour tous les combats féministes qui s'engagent à l'époque. Le film parle des rapports de pouvoir, des rapports amoureux, qui n'échappent à personne, aussi célèbre soit-on. On se souviendra surtout de cette citation troublante où Janis fait l'éloge de la célébrité, non pas tant pour l'argent ou le succès, que la terrible illusion d'être aimé. Voilà donc un beau film qui rend un hommage vibrant à une voix, bien sûr, mais surtout à une époque où les femmes commençaient à exister socialement.