Ben se travestit sous le pseudo de Miranda. Il se prostitue à Phnom Penh. Accro à la drogue il partage une chambre avec un amant khmer. Son amie Judith, qui enquête sur le génocide pour le Tribunal international, l'aide.
Un jour, Ben/Miranda croise une enfant perdue qui se donne au premier venu pour cinq dollars.
Avant l'aurore sort enfin sur les écrans. Il avait été présenté à l'ACID à Cannes en 2015 sous le titre "De l'ombre il y a". Ses difficultés à se frayer un chemin jusqu'aux salles s'expliquent aisément : le film est dur et ne se donne pas facilement. Il l'est d'autant que sa narration, remplie d'ellipses, est volontairement heurtée.
Nathan Nicholovitch veut nous raconter, façon "Gloria" la rédemption de deux êtres. Il ne s'agit pas comme chez Cassavetes d'une femme et d'un petit garçon, mais d'un homme et d'une petite fille. Lui fuit au Cambodge on ne sait quel démon. Il se perd dans la drogue - comme avant lui Billy Moore, le héros d'"Une prière avant l'aube" qui se déroulait pour l'essentiel dans une prison thaïlandaise. Elle, pauvre gamine, ne trouve que son mutisme à opposer à l'enfer qu'elle vit.
Le sujet serait simpliste ; mais il n'est pas traité simplement. Car l'action se déroule au Cambodge, un pays dont les investigations de Judith rappellent qu'il peine à panser les plaies du génocide. Et le film a pour héros David d'Ingéo, un acteur caméléon dont le corps émacié rappelle tout à la fois Mick Jagger et Iggy Pop. C'est un monstre en perruque blonde, talons aiguilles et faux seins qu'on voit durant la première partie du film. Nathan Nicholovitch le filme jusqu'au malaise prodiguant une fellation à un client dans des toilettes sales (c'est la première scène du film), dansant nu dans un nightclub, le corps marqué par les ans, les coups, la drogue. Il retrouve progressivement et non sans mal son humanité après un détour par Pailin, sur la trace d'un ancien Khmer rouge recherché par Judith, puis au bord de l'océan à Sihanoukville sur celle des parents de la petite Panna.
On ne ressort pas indemne de ce film trop long, trop lourd, trop confus, et pourtant porté par une énergie et une grâce rarement vues.