Dégradé est inspiré d'un fait divers survenu en 2007 : une intervention militaire du gouvernement du Hamas visant à neutraliser une des familles armées les plus influentes de Gaza qui avait, comme dans le film, volé un lion pour le montrer et ainsi rendre compte de son pouvoir... Le lion a servi de prétexte à cette intervention militaire qui s'est terminée dans un bain de sang.
A partir de cette histoire tragique qui témoigne du contexte irrationnel de la vie à Gaza, Arab Nasser et Tarzan Nasser ont imaginé le salon de coiffure en face du lieu d'affrontement entre les militaires et la famille, et dans lequel une douzaine de femmes se retrouvent coincées.
Par le biais de personnages féminins authentiques, excentriques, modernes et appartenant à des catégories sociales différentes, le film traite de la violence en Palestine. Dégradés est ainsi un film engagé, "qui n’entend pas uniquement se concentrer sur l’occupation israélienne mais aussi sur nos propres démons, notre propre identité. Qui sont les femmes palestiniennes ? Qui sont les Gazaouis ? Comment vivent-ils ? À quoi pensent-ils ? Quel est leur quotidien ? En tant que cinéastes, notre travail s’inspire de la tragédie et de l’absurdité qui se sont abattues sur la Palestine, et, tout particulièrement, sur la bande de Gaza, afin d’alerter au mieux les consciences collectives sur les conditions de vie aberrantes de notre société."
La raison principale ayant poussé les cinéastes à faire ce film réside dans le fait d'aller à l'encontre des clichés et représenter les femmes autrement que voilées et soumises. Dans Dégradés, les personnages féminins sont au centre du film et ont des joies, des peines, des problèmes quotidiens, des relations amoureuses et des opinions. Arab et Tarzan Nasser souhaitaient davantage parler de la vie en s'éloignant des sujets les plus médiatisés, comme le conflit israélo-palestinien.
Les jeunes réalisateurs jumeaux Arab et Tarzan Nasser ont choisi de situer l'action du film dans un salon de coiffure parce qu'il s'agit d'un lieu assimilé à un petit coin de paradis dans un monde extérieur en plein chaos. C'est également un espace féminin par excellence dans une société palestinienne patriarcale. Ils expliquent : "Or, nous pensons que les femmes ont un rôle à jouer dans notre société plus important que les hommes et qu’on ne leur accorde pas suffisamment de place. Du coup, nous avons réuni treize archétypes de femmes différents : une bourgeoise, une religieuse, une étrangère qui a fini par apprécier Gaza et par s’y installer, et d’autres encore. En venant au salon de coiffure, elles sont dans un havre de paix dédié au plaisir et à la beauté, mais le contexte environnant va vite les rattraper."
Le titre du film fait référence à la coupe de cheveux en escaliers et qui amène l’idée d’un crescendo, d’une avancée par paliers comme l'expliquent les frères réalisateurs : "Chaque élément a été pensé en «dégradé» : la narration, la lumière, les cadrages, le montage, le son, l’impact de la situation extérieure sur le salon, le sentiment d’enfermement, les enjeux des personnages, etc. Au fur et à mesure que le film avance, les murs du salon semblent se refermer sur ces femmes, et donc sur le spectateur, pris au piège. Le huis-clos est une symbolique de la situation de tous les Gazaouis qui regardent le monde extérieur sans pouvoir en sortir."
Arab et Tarzan Nasser ne souhaitaient pas faire un film politique mais voulaient montrer que la politique tient une place importante dans la société palestinienne, par le biais des femmes du salon qui sont très critiques vis-à-vis du monde oppressant dans lequel elles évoluent.
Pour appuyer les sujets sérieux que Dégradé aborde, Arab et Tarzan Nasser ont ponctué le film d'humour : "L’humour est le meilleur moyen d’évoquer les sujets les plus complexes et les plus épineux. Les femmes prennent la vie avec humour. C’est particulièrement vrai lorsqu’elles se demandent comment sortir de Gaza. L’une d’entre elles répond, «Où veux-tu aller ? Même si tu réussis à passer les trois checkpoints – celui du Hamas, celui du Fatah et celui d’Israël –, on finira par te prendre pour une terroriste et par t’envoyer en prison !»", expliquent-t-il.
Les metteurs en scène voulaient pour le casting des femmes aux visages peu connus. Ils ont ainsi passé cinq mois à repérer des femmes dans des théâtres et dans la rue pour ensuite répéter pendant un mois et demi avec celles qui ont été choisies. Le but était d'éviter les clichés dans le jeu des comédiennes et faire en sorte qu’elles s’expriment dans l’arabe parlé à Gaza.
Le film n'a pas pu être tourné à Gaza comme le souhaitaient Arab et Tarzan Nasser, mais dans la banlieue d’Amman, en Jordanie, qui présente une architecture un peu différente de celle que l'on peut trouver à Gaza : "On a déniché un garage et on y a construit nous-mêmes le décor du salon, avec des parois amovibles pour faciliter nos déplacements sur le plateau. Nous avions préparé tous nos mouvements d’appareil à l’avance pour gagner du temps. S’agissant des couleurs, nous avons choisi des teintes symboliques, comme le bleu des murs qui rappelle la couleur du ciel."
Le film a été présenté en Compétition à la Semaine de la Critique en 2015.
Dégradé a été tourné dans des conditions psychologiques très difficiles puisqu'au moment d’entrer en préparation du tournage, en juillet 2014, une nouvelle guerre s’est abattue sur Gaza et l’armée israélienne a tué des milliers de civils en trois semaines. Cette tragédie a eu des répercussions sur le film, puisque des investisseurs ont quitté le projet parce qu'il ne parlait pas directement du conflit israélo-palestinien. Mais Arab et Tarzan Nasser ne voulaient pas faire un film centré sur la mort à Gaza : ils souhaitaient parler de la vie et ont persisté dans cette voie. Le film a ensuite été tourné en cinq semaines.