Pour son premier long, Mathieu Vadepied nous fait croiser deux jeunes descendants africains confrontés à ce qui reste de France autour d’eux... Une invitation à un double tranchant.
À Stains, lieu parmi d’autres de conclusion d’un projet français du siècle dernier en Afrique, cette fois... Vadepied veut immerger le spectateur dans la perception de ses protagonistes : rien de tiré par les cheveux, ni d'ultra exotique, ce sont de jeunes français parmi d'autres. Nombre de critiques ont parlé d’un film sur deux adolescents (parfois jeunes) en allant plus vite que la musique : car le spectateur est confronté à deux enfants, à peine au seuil de l’adolescence...
Pas de panique : Vadepied ne rétrécit pas le sujet à la machine parce qu’il s’agit de son premier long. La situation du frère d’Omar Sy, comédien sur le gros succès des Intouchables l’ayant directement inspiré, il semble que cela se soit présenté comme cela dans son carnet de route créatif.
Dans la famille du jeune héros, le grand frère a déjà
vécu le parcours et la galère du dealer parvenu à l’âge adulte
... cette situation est donc dépassée...
Reste pour le scénario et le visuel du film, la tentation et la possibilité de déraper dans la même direction, sans non plus taper dans l’histoire de gangs... et de flirter avec les classiques du genre comme La Haine.
Le film tient son cap, le pied ancré dans l’onirisme et le charme, et ferme ostensiblement la porte aux démons, à peine on les aperçoit avec appétit... L’image fantasmée d’une banlieue démoniaque et coupe-gorge n’a pas son ticket d’entrée dans ce film... C'est un peu brutal à force de douceur, on est un peu frustré par moment de ne pas assister à de plus grosses bastons d'où émergent des brutes éclopées...
Vadepied s’adresse simplement à ceux qu’il choisit de filmer, d’assez jeunes gens qui se retrouvent à la croisée des chemins et des tentations. Le récit abordable est centré sur l’individu. L’individu fait l’histoire et non la société. Voilà ce qu’on pense quand on est jeune et qu’on le reste.
Différentes pensées circulent entre les barres de Stains, reprises à leur compte par ces deux chérubins qui découpent en cachette
de belles tranches de chite, dans les sous-sols de l’école publique
... Ce film fait naître de l’intérêt pour ce qui se passe aujourd’hui quelque part en France, sans crier et sans fard non plus... Mais... sans se débrider vraiment : on dirait qu'il y a un surveillant qui observe ce qui se passe dans tous les coins ou que les gens se surveillent ! Bizarre !
Comparé, le style de Dheepan paraît plus débridé, plus ouvert, plus assuré peut-être... Comme tous les projets sérieux du moment qui peuvent toucher aux "gros sujets" dangereux pour notre Capital goinfre, il semble marcher sur des œufs, comme si un mot de travers pouvait tout faire capoter.
Un film juste et fluet, solidement collé aux personnages et conforme à l’approche de Mathieu Vadepied. Un regard tordant sur de jeunes Français qui apprennent la vie, là où il n’est toujours pas si facile de se lancer aujourd’hui... et surtout pas si facile de voir grand... Ce serait encore vrai. L'invitation de départ tient tout au long du film, malgré une certaine fébrilité du discours.