Au moment de son introduction, Belko Experiment se présente sous des airs de film d'horreur classique; réalisé par Greg McLean, à l'origine des célèbres Wolf Creek, et scénarisé par James Gunn, qu'on ne présente plus, le film laisse survenir un ton ironique acerbe, faisant clairement comprendre à son spectateur que plus qu'un Battle Royale supplémentaire, il sera surtout, comme nombre de bons films gores, une critique sociale cynique.
Dès le départ, le but est de nous dépeindre ces sociétés industriels presque sectaires qui, vivant en autarcie dans leurs papiers et leur train-train quotidien, ne se préoccupent finalement plus du monde extérieur et sont régies par des lois particulières et pré-établies, pour respecter des collègues de travail qu'ils n'apprécient pas forcément (ou détestent la plupart du temps) et se tirer toujours plus dans les pattes, par excès ou défaut d'ambition.
Et cela, réalisateur et scénariste le décrivent avec un certain savoir-faire : entre des patrons sadiques et des employés un peu teubés mais solidaires, la caricature est suffisamment étoffée de la justesse de son propos pour ne pas gêner l'expérience. En plus d'aggraver notre ressenti à l'égard de toute la violence visuelle de Belko Experiment (parce qu'il est ultra-sanglant), cette vision grossière de la société nous livre des personnages rendus attachants par leurs excès de comportements et leur vision manichéenne des choses.
Et tout aussi caricatural que soit ce nouveau Battle Royale, il est livré avec suffisamment de rythme et d'action pour remplir son contrat de divertissement réussi, quitte à tomber dans des excès à l'américaine en guise de climax, et de ruiner toute la dimension dramatique du reste par un règlement de compte à la Rambo, s'il avait décidé, dans La Mission, d'exécuter les gradés qui l'avaient trahi.
Et l'on termine la note sur une déception, puisque Belko Experiment est au final pensé comme une saga, non comme un one-shot, et n'est désormais plus du tout percutant par son indépendance dans le paysage surpeuplé des franchises horrifiques. Il se termine comme une oeuvre banale, certes divertissante, fort bien emballée, mais trop classique et codifiée pour espérer marquer les esprits par autre chose que son ton provocateur et caricatural.
Et dans cette volonté de faire du divertissement à l'américaine, il en oublie la réflexion au profit de l'action, certes généreuse mais aucunement capable de remplacer ce qu'un travail de fond apporte à ce genre d'oeuvre dystopique. On espérait plus, on espérait mieux, mais ne marquent que sa violence et les pistes de réflexion qu'il amène et ne prend pas la peine de développer, ouvrant des portes que d'autres se chargeront, d'ici quelques années, d'enfoncer avec des bulldozers plus percutants.
C'est jouissif, pas trop mal surjoué (David Dastamalchian, Michael Rooker et John C. McGinley s'y donnant à coeur joie), dans un excès si total qu'on se croirait parfois proche du nanar, et que sa violence, forcée comme dans ces vieux actioners bourrins des années 90, fait entrer dans le registre du grotesque, le rendant paradoxalement unique en son genre. Décomplexé, il l'est autant dans la représentation de ses personnages que dans sa manière d'exprimer les bas penchants de l'homme, quitte à sacrifier la finesse pour faire du divertissement primaire. Et cela, il le fait très bien.