(...) Le film compte 85 plans, aucun n'excédant plus de quatre minutes. La caméra quitte rarement le personnage principal. Vous pourrez ainsi admirer le visage de Saul mais aussi sa nuque. On ne verra que ce qu'il voit. Tourné dans un format 1.33 qui réduit le champ de vision et avec une longue focale qui donne peu de profondeur de champ, l'immersion est immédiate. Elle est également soulante à la longue, certaines scènes manquant d'ampleur et d'emphase mais c'est le choix du réalisateur. Alors bien sûr, suivant comment vous êtes luné ce jour-là, vous pourrez trouver le film chiant ou formidablement émouvant. Selon moi, certains plans sont trop longs et n'apporte rien, le scénario du film n'est pas hyper profond et ne raconte pas grand chose de bien affolant. Ainsi, la quête du héros apparaît comme vaine, surtout que sa résolution est un poil décevante. Et puis, à l'instar de certains blockbusters, le film n'est pas exempt d'anachronismes. Le plus flagrant, c'est la fameuse reconstitution des photos à l'intérieur du cap, qui a eu lieu en août 1944 et non en octobre comme ici. Mais voilà, le cinéma, aussi proche du documentaire qu'il soit, n'est pas la vie. Le cinéma, c'est aussi l'ellipse, le symbolisme, la métaphore. Certaines séquences sont de haute volée, parvenant à retranscrire l'horreur en ne montrant presque rien. La folie qui habite certains passage, la retranscription du chaos (la bande-son est d'une précision et d'une ampleur peu commune), tout cela fait qu'on est plongé dans cet enfer presque inimaginable avec une précision et une acuité terrifiante. J'ai trouvé aussi très intéressant le traitement des Sonderkommandos, de voir comment ces Juifs et ces prisonniers de droits commun (mais aussi certains prisonniers de guerre russes) se comportaient avec leurs subalternes. Ils se frappent, ils s'insultent, ils se dominent. L'Homme est un loup pour l'Homme et ce film le démontre avec force. Bien sûr, il y a moins de manichéisme avec les bourreaux SS, dont le manque d'humanité semble contagieux (les Sonderkommandos comme les SS appellent les victimes "pièces"). Mais comment rester de glace face à un spectacle aussi tétanisant, comment ne pas haïr les cerveaux malades qui ont mis en place une telle machine de mort ? Le film ne se pose pas en juge mais il montre, sans fard, une réalité que l'on ne peut nier. Cette histoire en mouvement, cela donne au film une certaine puissance. Comme objet cinématographique, il demeure inégal, jusqu'au boutiste (donc respectable) mais aussi trop sûr de la force de son sujet. Un film intéressant, à voir quand même. La critique complète sur thisismymovies.over-blog.com