Après avoir réalisé sa trilogie sur le Texas, Roberto Minervini voulait explorer les origines de Todd Trichell, le père du garçon qui fait du rodéo dans Le Coeur Battant. En effet, le réalisateur savait que Todd avait passé son enfance en Louisiane où il avait baigné dans la criminalité. Dès lors, il souhaitait raconter le parcours de ce personnage ainsi que l’histoire de jeunes gens défavorisés et prêts à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour survivre : "C’était ça, l’ADN. Pour moi, leur histoire avait les connotations socio-politiques requises pour tenter de comprendre la vie dans le Midwest et le sud des Etats-Unis. L’histoire de Todd est exemplaire, elle peut être celle de n’importe qui en Louisiane du Nord. Tout le travail auprès de cette communauté a commencé à l’été 2013, pour finalement aboutir un an plus tard."
Bien qu'il explore les origines de Todd, le cinéaste a très vite compris que les personnages de Mark et Lisa devaient servir de fil conducteur à l'histoire. Même si l'un des enjeux du film était de ne pas trop s'attarder sur les histoires personnelles de chacun, mais sur la communauté à laquelle ils appartiennent : "Personne ne voulait vraiment être mis en avant, et Mark encore moins que les autres. Personne ne voulait être le visage, l’incarnation de cette communauté. Ils pensaient que leur parcours individuel n’était pas suffisant pour raconter une histoire collective. Mark soutenait qu’il n’était pas la personne appropriée pour cela, qu’il n’était rien aux yeux du reste du monde. Il m’a fallu beaucoup de temps pour le convaincre qu’il y avait chez lui quelque chose de spécial, jusque dans son physique, que son corps portait en lui tout un lot d’histoires."
Le metteur en scène ne souhaitait pas procéder à la moindre répétition, bien qu'il tournait avec des personnes totalement extérieures au milieu du cinéma. Cependant, il a mis au point une autre méthode qui consistait à retrouver ses personnages chaque matin de tournage afin de discuter de leur vie personnelle et de ce qu'ils pensaient faire de leur journée. Ainsi, il pouvait leur faire savoir ce qui était susceptible de l'intéresser : "Par exemple, si Mark doit voir sa mère, s’assurer de comment elle va, l’inciter à consulter un médecin pour qu’il lui délivre une ordonnance, je lui dis que ça m’intéresse de filmer cela et qu’il devrait solliciter auprès d’elle une conversation privée, dans sa chambre peut-être, pour qu’elle se sente à l’aise." Ce qui pouvait nécessiter de très longues prises de vues, d'au minimum trente minutes à chaque fois.
Pour apporter le plus de fluidité et de simplicité au tournage, le film a été tourné en lumière naturelle et seulement cinq personnes de l'équipe technique étaient présentes chaque jour sur le plateau, à savoir le réalisateur, trois opérateurs caméra et un ingénieur du son.
Robert Minervini souhaitait se trouver au plus près des personnages qu'il filmait afin de mieux saisir leurs émotions : "Je leur permets de parler doucement, à voix basse, d’être calmes. Je suis là quand ils prennent de la drogue, quand ils font l’amour, je suis là constamment, et je peux ainsi parvenir à quelque chose de très intime. Plus je deviens invisible en tant que cinéaste, plus je deviens visible en tant qu’être humain." De cette façon, le cinéaste se distingue du documentariste Donn Alan Pennebaker, qui fut notamment son mentor et qui était également un adepte du "cinéma vérité", à la différence qu'il utilisait de très longues focales pour s'éloigner de ses personnages et leur laisser un maximum de liberté.
Même si Mark et Lisa se sont montrés très coopératifs, il leur est néanmoins arrivé de refuser à ce que certains éléments de leur intimité soient filmés. Tout comme il est arrivé au cinéaste de se sentir mal à l'aise vis-à-vis d'eux au moment de filmer certaines scènes, et a donc préféré s'abstenir ou tout simplement se retirer et laisser le soin à ses assistants caméra de filmer la scène, qu'il jugeait certes gênante à tourner pour lui, mais néanmoins essentielle au film.
A travers ce film, Robert Minervini a également tenté de dresser le portrait d'une Amérique soumise à une sorte de guerre interne : "Depuis toujours, ce pays s’est bâti sur des conflits. Il y a une guerre au sein même de l’Amérique, et le pays l’utilise pour régler ses propres problèmes. La prolifération de méthamphétamine en Amérique et le laisser-faire qui l’accompagne font partie de cette guerre interne. Elle permet d’affaiblir plus encore une certaine classe pauvre, et de déchoir de leur droit de vote certains éléments perturbateurs de la société. C’est un pays qui a besoin d’instiller de l’instabilité et de la peur afin que la population encourage sa politique extérieure d’agressivité."
En plus de filmer cette communauté en Louisiane, le cinéaste souhaitait revenir au Texas pour la seconde partie du film afin d'y filmer un groupe de paramilitaires et effectuer un parallèle entre ces derniers et les toxicomanes de West Monroe : "Ils partagent cette volonté de protéger à tout prix la famille, et d’aller à l’encontre des institutions pour préserver leurs libertés (...). Pour moi, il était nécessaire de diviser le film en deux parties afin qu’elles puissent politiquement dialoguer entre elles, que des échos et résonances adviennent."
Malgré le bon déroulement du tournage, Mark et Lisa ont néanmoins préféré se retirer après avoir tourné une scène émotionnellement très intense et révélatrice, dont ils sont ressortis très marqués. Ce qui a, bien sûr, conduit à la fin du film. Ils ont cependant gardé contact avec le metteur en scène et lui ont fait savoir qu'ils s'étaient tous deux désintoxiqués et que l'expérience du film y avait grandement contribué. Pour l'anecdote, un réalisateur de renom aurait même contacté Mark afin de l'engager dans son prochain film.