Pour son film, le scénariste et metteur en scène Radu Muntean s'est inspiré d'un fait divers remontant à une quinzaine d'années et qu'il avait lu dans le journal : "L’histoire d’un homme, témoin auditif d’une querelle domestique. Depuis le hall de son immeuble il avait entendu des cris derrière une porte close. Et pourtant il n’avait rien fait pour prévenir le drame et s’était contenté de témoigner lorsque les policiers étaient venus enquêter sur le meurtre. En lisant l’article, je me demandais comment cet homme avait pu au moment du drame ne rien faire pour l’éviter. Il me semblait qu’il aurait simplement pu signaler sa présence en faisant du bruit ou quelque chose comme cela et empêcher peut-être le pire d’arriver."
Lorsqu'il a commencé à écrire le scénario, Radu Muntean a tout fait pour que les spectateurs n'aient pas l'impression qu'il juge les personnages. Il a davantage cherché à questionner le thème de la conscience en mettant le public à la place du héros pour qu'il se demande comment il aurait réagi dans sa situation.
Le scénario de L'Etage du dessous est l’antithèse d’un film psychologique ou explicatif, le metteur en scène ayant voulu faire en sorte que l'identification avec le personnage principal soit la plus facile possible. Dans cette optique, le scénario repose sur des moments extrêmement concrets de la banalité du quotidien : "C’est pour moi une façon d’inclure le spectateur dans l’action. De le faire travailler d’une certaine manière. Il vit l’histoire en même temps que le héros, ayant en temps réel comme lui les informations. Je trouve que c’est trop facile de se reposer sur les dialogues pour expliquer une situation ou comme ici un dilemme intime. Les livres sont faits pour cela. Pas le cinéma qui est un autre langage. Celui de l’image, des corps… c’est tout cela qui, à mon sens, doit raconter l’histoire", explique-t-il.
L'Etage du dessous repose beaucoup sur les silences de Pătrașcu (l'homme qui soupçonne le voisin du premier mais qui ne se rend pas à la police) et de ce fait est anti spectaculaire. Le but de ces silences, là encore, est de comprendre la réaction du personnage qui passe par son comportement physique.
Au coeur de cette histoire, il y a une image manquante, celle du crime : "Cette image manquante est le coeur du dilemme du héros. Il n’a rien vu. Cependant il est convaincu à 99% que son voisin est coupable. Mais c’est le 1 % d’incertitude qui est important. Et qui explique qu’il ne va pas à la police. Et j’espère que c’est la même chose pour le spectateur. Car quel jugement a-t-on le droit de porter quand il existe une part de doute, même infime ?"
Pour le personnage de Pătrașcu, qui est à la fois simple et opaque, Radu Muntean s'est inspiré de quelqu'un qu'il connait dans la vraie vie : "Je lui ai même emprunté son nom. C’est un homme qui est toujours dans le contrôle de sa vie et de son métier. Un homme d’action, qui multiplie les tâches, très déterminé dans son quotidien. Et c’est exactement ce type de caractère et de psychologie que j’avais envie de confronter à cette histoire où justement il perd toute capacité de contrôle. Pour la première fois, les réponses lui échappent. Il ne sait même pas très bien ce qui lui arrive. C’est comme une angoisse sourde qu’il taisait et qui se réveille à cette occasion", nous confie-t-il.
Même s'il n'a pas voulu faire un film sociétal, L'Etage du dessous peut être un peu perçu comme le reflet de la société roumaine, ne serait-ce qu'à travers la profession du personnage de Pătrașcu : "Je ne suis pas sûr qu’un spectateur non roumain comprenne d’emblée ce qu’il fait. Notre société est hyper bureaucratique et nous avons besoin de gens comme lui pour s’occuper des très nombreux formulaires et démarches qui sont nécessaires au quotidien, ne serait-ce que pour immatriculer une voiture. Mais d’une certaine manière, ce travail est aussi une métaphore du personnage. Son travail est purement administratif. La conscience n’y a pas sa place. Et pourtant du jour au lendemain il doit l’affronter. Il a beau la refouler elle l’obsède. Et d’une certaine manière elle contamine celle de Vali, ce supposé meurtrier qui, face au silence du héros, n’a d’autre choix que de se mesurer à son tour à sa culpabilité."
Le supposé meurtrier est représenté sous les traits d’un garçon charmeur et ambigu. Ce pouvoir de séduction est une façon de déstabiliser le personnage de Pătrașcu. Dans cette optique, Radu Muntean a voulu faire de Vali quelqu'un d'impossible à cerner réellement : il devait apparaître comme quelqu'un de normal, pour ensuite, à partir d'un rien, se transformer comme si quelque chose le dévorait intérieurement. "Cette ambivalence m’intéresse doublement car elle est le miroir de celle de Pătrașcu qui normalement devrait réagir, dénoncer ce qu’il a entendu et pourtant ne fait rien. J’aime l’idée que dans le film, peu à peu, leurs culpabilités se répondent", explique le cinéaste.
Comme dans ses précédents films, Radu Muntean privilégie les plans-séquences et le temps réel. Il n'aime pas trop avoir recours aux effets artistiques qui parasitent le rapport existant entre le public et le film et flattent l'égo du cinéaste d'après lui. En tant que metteur en scène, Radu Muntean cherche à s'effacer pour donner au spectateur l'impression qu'il est en train d'écrire sa propre histoire.
Dans la peau du personnage principal, Teo Corban est un acteur avec lequel Radu Muntean avait déjà travaillé sur des publicités : "Le casting pour ce personnage a été assez long. En fait, j’ai commencé par choisir Iulian Postelnicu, l’acteur qui allait jouer Vali. A mon sens, tout dépendait de lui. De sa séduction, de son mystère, de son ambiguïté et de sa manière de bouger… Pour Pătrașcu j’avais deux trois idées préalables de comédiens mais Teo m’a convaincu par son implication et par la manière dont il comprenait les enjeux du film."