Le tout début du film donne la couleur : rouge, tout comme le sang et l'enfer dans lequel est plongé le personnage. Franck évolue dans le monde de la nuit, cotoyant la déchéance humaine, la mort, la souffrance, bref, l'envers du décor. Lui c'est une sorte d'ange, plus, une sorte de Christ à la sensibilité exacerbée qui ressent la souffrance des autres au point d'en devenir malade, il semble vouloir racheter tous les pêchés de l'humanité, mais au fur et à mesure que des vies lui filent entre les doigts, il s'enfonce dans le désespoir et l'impuissance la plus profonde. Au milieu de tout cela il y a Mary, ancienne junkie, elle a donné son corps, mais son âme elle est toujours pure. Sa détresse appelle Franck, qui tel un ange gardien veille sur elle, et tente par la même occasion de retrouver la paix intérieure, une sorte de rédemption à son contact. Leur attirance n'est pas physique, elle est spirituelle, tout ce qu'il y a de plus pur, comme nous suggère cette magnifique image de la fin, qui nous renvoit aux images de Marie Madeleine et de la pieta, Franck est inondé de la lumière divine. Bien sûr on ne peut penser qu'à Dostoïevski, à son Rodia de Crime et Châtiment qui trouve le chemin de la rédemption au contact de Sonia, jeune prostituée au coeur pur, ou encore à son prince Muchkine, surnommé l'idiot car ayant cette même faculté de ressentir la souffrance d'autrui, Christ perdu au milieu d'un monde corrompu, irresistiblement attiré par Nastassia, sorte de Sonia de Crime et Châtiment encore plus torturée. Une oeuvre profonde donc, sublimé par un jeu de caméra si caractéristique de Scorsese, subtil, percutant, et un rapport à l'image très travaillée : dans une sorte de synesthésie des sens, musique, images et couleurs se mélangent pour nous offir une vision subjective, celle de Franck. On pourrait en parler pendant des heures tant c'est riche de réflexion, on ne peut que conclure qu'il s'agit ici d'une oeuvre incontournable !