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    Elektra (Pathé live)
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    ninilechat
    ninilechat

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    5,0
    Publiée le 1 mai 2016
    Je suis sortie littéralement titubante de cette superbe représentation. C'est la reprise de la mise en scène de Patrice Chéreau pour le Festival d'Aix en Provence, sa dernière création, hélas.

    Le rideau s'ouvre sur une lugubre cour, entourée de hauts murs, de ce qui pourrait être une forteresse moyenne-orientale. Les domestiques balayent la cour en bavardant. Elles parlent d'Elektre, cette folle qui vit parmi les servantes, loin des yeux de sa mère qui l'a rejetée, qui mange avec les chiens, qui hurle et rampe par terre.... Seul, un vieux couple la défend: c'est une fille de Roi, quand même..... Pourquoi est on si dur avec elle? et les autres domestiques le rudoient, elles détestent la folle qui leur fait peur. Alors Elektre rentre, vêtue d'une accumulation de tee shirts sales et déchirés, traînant une couverture comme une clocharde. Les images sont dures -mais elles traduisent le texte, rien de plus.

    Elle hurle, elle invoque son père, elle ne vit que dans une idée fixe, voir Aegisthe et Clytemnestre morts, elle attend le retour du banni, Oreste, qui pourra accomplir ce sacrifice.... Il y a bien sa soeur, Chrysothémis, mais Chrysothémis ne veut pas la vengeance. Elle veut juste quitter le palais maudit, s'enfuir, mais comment? Et vivre, vivre, épouser un paysan, aller tirer l'eau au puits et surtout avoir des enfants.....

    Et Clytemnestre la meurtrière n'est pas heureuse, non plus, elle est tourmentée de cauchemars, elle va jusqu'à chercher de l'aide auprès de sa fille folle qui avec ses pouvoirs maléfiques pourrait avoir la solution, un sacrifice, un sacrifice humain pour que les cauchemars cessent....

    La violence, la concision, la beauté du texte de Hugo von Hofmannsthal.... c'est incroyable. Et pour incarner cela, il faut trois chanteuses incandescentes. elles sont réunies ici.

    Chrysothémis c'est Adrianne Pieczoncka, qui a déjà interprété le rôle à Aix, voila une chanteuse qui a mis assez longtemps à venir en pleine lumière et qui est une grande wagnérienne pourtant! Elle donne à la jeune femme sa part d'humanité, passant de la résignation à la désespérance, son envolée dans le rêve quand elle s'imagine berçant un petit...

    Clytemnestre c'est Waltraut Meier qui porte sa soixantaine.... royalement. Ligne admirable, visage.... bien soigné et toujours aussi beau, sa voix a beaucoup perdu en puissance et en projection (les échanges avec Nina Stemme sont cruels), mais quelle actrice! quelle justesse! quelle présence!

    Quant à Nina Stemme, non, je ne l'imaginais pas dans ce rôle qu'elle habite pourtant d'une façon hallucinée. Au delà de la puissance, de la beauté, de l'expressivité, de la longueur de sa voix il y a l'incarnation du personnage, ces expressions du visage que la caméra nous rend si bien, cette gestuelle à la fois si sobre (dans un rôle qui ne l'est pas!) et si parlante.... Elle rit, elle hurle, elle danse, elle tombe.... et pendant deux heures ne quitte pas la scène.

    Chaque fois que je vois Elektra, je me sens frustrée. Comment Richard Strauss a t-il pu tourner le dos à ses débuts tonitruants pour devenir ce compositeur somme toute aimable, capable des sucreries les plus délicieuses (Arabella) comme des manèges de fête foraine (Ariane à Naxos), composant pour les sopranos les airs les plus exquis qui soient (il devait beaucoup aimer les femmes pour écrire si bien pour elle) -alors que ces sopranos il avait su les mettre en transe-, composant une musique oscillant entre l'élégie et la pyrotechnie -alors qu'il avait su la faire rugir... Comme si Salomé et Elektre, ces deux petites filles trop tôt confrontées, l'une à la lubricité des hommes (et de son beau père), l'autre à la cruauté des hommes (et de son beau père), petites filles folles perdues l'une dans une passion dévoyée, l'autre dans un délire matricide, avait épuisé, asséché tout un côté de la créativité de Strauss...
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