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    Madame Butterfly (Pathé Live)
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    3,5
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    ninilechat
    ninilechat

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    4,5
    Publiée le 3 avril 2016
    Une soirée sublime avec Madame Butterfly retransmis en direct du MET.

    C'est la seule mise en scène pour l'opéra du cinéaste britannique disparu Anthony Minghella. Quel dommage! On peut au moins espérer que cette magnifique production, qui n'a pas le moins du monde vieilli en dix ans, restera longtemps au répertoire.

    Madame Butterfly est sûrement le plus émouvant de tous les opéras. Parce qu'il n'y a pas là de sang, de poison, de massacres, de suicides. Juste l'histoire d'une gamine dont l'innocence, le cœur pur, sont exploités par l'ensemble de la société. J'ai toujours rêvé, si j'avais été metteur en scène, de le transposer dans Saigon en guerre, avec une petite congaï et un GI, parce que c'est une histoire intemporelle, et peut être plus que jamais d'actualité.

    Cio-Cio San venait d'une bonne famille, mais son père a du se suicider, ordre du mikado (première blessure) et la jeune fille, presque une enfant -elle a quinze ans!- a appris à danser et jouer de la musique pour devenir geisha. Elle plait à un officier américain? Bonne affaire. La famille se presse au pseudo-mariage. Mais, seule contre tous, Cio-Cio San y croit. Elle transforme sa maison en maison américaine -et se convertit au christianisme ce qui lui vaut d'être, cette fois ci, rejetée par tous. Et quand le bel officier revient, marié par ailleurs, trois ans plus tard, c'est pour récupérer l'enfant né de ces quelques semaines de vie commune. Le colonisateur reprend son bien. On ne va pas laisser un demi-américain aux mains d'une sauvage.... Si c'est pas actuel, cette terrible histoire....

    Minghella a pris, lui, le parti du réalisme avec une recréation poétique et parfaite du monde japonais, des costumes traditionnels très soignés et un décor minimaliste de cloisons qui coulissent et rythment le passage d'un tableau à un autre. Tout est dans l'obscurité; seuls les protagonistes sont éclairés et le coup de génie de Minghella est d'avoir fait appel à des marionnettistes tout de noir vêtus, le visage couvert d'un voile noir. Ils portent au bout d'une perche des lanternes lumineuses, ou des oiseaux, ou des papillons, au gré des scènes.... On les devine à peine dans l'obscurité ambiante et je les vois aussi comme des forces maléfiques qui vont implacablement conduire le destin de l'innocente à sa perte. C'est beau.... et surtout, le petit enfant de Cio-Cio San qui va être l'objet de ce deal sordide est une marionnette Bunraku, d'un réalisme stupéfiant, animée par deux de ces noirs démiurges; il marche, il regarde sa mère avec confiance, il se serre contre elle, plus vrai, plus touchant que n'importe quel marmot de chair et d'os! C'est vraiment très beau. On est ébloui....

    Roberto Alagna, plus jeune et plus séduisant que jamais dans ses seyants costumes d'officier empoigne ce rôle de salaud que tous les grands ténors ont à leur répertoire, bien qu'il soit court. Dans une interview diffusée à l'entracte, il défend Pinkerton qu'il voit très jeune, et plus inconscient que méchant. Il n'empêche que dans le premier acte il donne à voir un Pinkerton goguenard et suffisant, se moquant de la famille japonaise comme des petites maisons japonaises aussi fragiles que les mariages que l'on y contracte, vraiment antipathique.

    Il a en face de lui un excellent Consul Sharpless en la personne de Dwayne Croft. Belle voix de bronze, belle prestance. Sharpless déplore ce qui se passe devant ses yeux, et il sait déjà comment cela va finir -mal, mais il le dit avec la retenue.... diplomatique. Très bien aussi Goro, l'entremetteur cauteleux de Tony Stevenson. L'amoureux éconduit, Yamadori est interprété pour son bref passage par un asiatique, Yunpeng Wang, qui porte avec prestance un magnifique costume traditionnel. Enfin, cette Suzuki qui est la fois la confidente et, quand cela va mal, le souffre douleur (mais cela ne dure jamais longtemps) de Butterfly, rôle très important puisque Suzuki est presque tout le temps en scène est fort bien tenu par Maria Zifchak

    Venons en enfin en l'héroïne de la soirée. La lettonne Kristine Opolais est époustouflante. Beauté de la voix, homogénéité du timbre, demi-teintes veloutées, aigus percutants -quelle Butterfly! Après « Un bel dì vedremo », la salle qui avait due être bien briffée -représentation enregistrée, pas question de l'interrompre par des applaudissements-, ne peut se retenir. C'est magnifique! En plus, c'est une vraie tragédienne et une très jolie fille. Mais -s'il faut pinailler un peu- cette belle plante (une demi-tête de plus qu'Alagna quand même.....) est bien loin d'une petite japonaise fragile de quinze ans. Un peu plus de simplicité, un peu moins de sophistication dans son jeu aurait aidé à rendre Cio-Cio San plus crédible, et surtout (ah!! ces gros plans!!) pourquoi l'avoir maquillée comme une voiture volée avec cinq centimètres de faux cils, ce qui accentue le fait qu'elle a 35 ans.... et pas 15. On sait bien qu'un rôle aussi lourd n'est jamais abordé avant la trentaine.... et c'est bien dommage, pour la cohérence scénique!

    Il est fort quand même, Puccini, pour nous tirer des larmes...
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