Qu’il est difficile de faire la critique du dernier film de Dominik Moll ! A la sortie de la salle, on ne sait pas trop quoi penser de son film, on ne saurait même pas dire si on l’a aimé ou pas. C’est une comédie un peu étrange, un peu barrée (comme le personnage de Jérôme), avec une pointe de surréalisme et même une légère touche de suspens à la fin. Bizarrement, les traits des personnages semblent tous très forcés (à l’exception du rôle titre) mais pourtant ils sont étrangement crédibles. C’est difficile à expliquer, Philippe Mars est tellement « rangé » et « normal » que tous les autres, autour de lui, paraissent excessifs alors qu’ils ne le sont pas tellement, au fond. C’est toute la force de l’interprétation de François Damiens, un acteur en passe de devenir incontournable, que d’interpréter avec autant de présence à l’écran un homme somme toute effacé. A ses côtés, Vincent Macaigne rends une copie parfaite dans le rôle du psychotique envahissant. J’entends par là que très vite, on a envie de le secouer comme un prunier et de le faire dégager à coup de pied dans le derrière, ce qui prouve bien l’efficacité de son interprétation ! Quant aux seconds rôles, et ce n’est pas le cas dans tous les films, ils sont écrits, bien dessinés, bien incarnés aussi par des comédiens bien choisis : Tom Rivoire dans le rôle de l’adolescent en pleine crise de végétarisme militant, ou bien encore Veerle Baetens en psychotique en sont les meilleurs exemples. Au niveau de la réalisation, on reste dans quelque chose de très propre, très académique, avec malgré tout quelques scènes oniriques de rêve plutôt jolies, notamment la scène d’ouverture au dessus de Paris. La musique est très discrète, au point que personnellement je l’ai à peine remarqué et je n’en garde aucun souvenir ! Quant au scénario en lui-même, il ne manque pas d’intérêt sur plusieurs aspects mais il laisse quand même, au final, une impression bizarre. Là où le film de Dominik Moll vise juste, c’est dans sa description d’une société moderne qui a quasiment inversé les valeurs. Le personnage de Philippe Mars est tellement bonne pâte que la société toute entière s’essuie les pieds sur lui : sa femme et sa sœur le mettent devant le fait accompli dés qu’elles attendent quelque chose de lui et ça fonctionne : il râle mais il obtempère. Son fils est en pleine crise d’adolescence et sa fille, obsédée par la réussite sociale, lui reprochent de n’être que ce qu’il est, et il n’arrive pas à obtenir d’eux le respect qu’il mérite. Quant à son travail, puisqu’il est consciencieux et sociable, on lui en donne deux fois plus et on lui refile les collègues difficiles, à grand renforts de compliments (un grand classique du management !). Et là encore, il râle pour la forme et obtempère. On se dit que sans l’intervention de Jérôme, il aurait continué à mener (ou à subir) cette vie jusqu’au bout. Mais l’intervention, incroyable de sans gêne, de son collègue plus que borderline va enfin pousser cet homme dans ses derniers retranchements et il était temps ! Mais enfin, quand on y réfléchit, une société dans laquelle il faut être cassant, manipulateur, velleitaire et égoïste pour être respecté est une société quand même très malade ! Le diagnostic que fait Dominik Moll sur ce point est assez efficace et probant et il a le mérite de susciter la réflexion. Ceci étant dit, sa démonstration finit par retomber un peu comme un soufflet à la fin du film, une fin un peu bizarre, qui tire en longueur et qui laisse une impression d’inachevé, comme si son film s’arrêtait au milieu du guet. L’humour de « Des nouvelles de la planète Mars » (plutôt un joli titre d’ailleurs) est assez discret, parfois assez fin et parfois moins, mais cette discrétion ne suffit pas à mes yeux à le qualifier de « comédie ». Il y a quand même beaucoup de noirceur dans son film, et devant certaines scènes, on ne sait pas bien si on doit rire ou pas. « Des nouvelles de la Planète Mars » est un film un peu inclassable, comme l’étaient les deux précédents film de Dominik Moll que j’ai vu « Harry, un ami qui vous veut du bien » et l’incompréhensible « Lemming ». On pourrait presque le classer à la frontière de ses deux films : le surréalisme de « Lemming » couplé avec le thème de l’ami dangereusement envahissant de « Harry ». Comme dans ses deux films là, « Des nouvelles de la planète Mars » explore aussi les limites de la folie humaine et de sa place dans une société moderne aseptisée et conformiste. Le message en filigrane du film pourrait être « Pour être heureux aujourd’hui, ne faut-il pas être un peu fou ? ». Même si sa démonstration n’est pas à 100% lisible et réussie, on ne peut pas dire que Dominik Moll pose de mauvaises questions !