Du sang et des larmes a changé les vies et carrières de deux hommes : Peter Berg d'un côté, petit réalisateur à peine connu pour son chouette divertissement super-héroïque, Hancock, et le plus reconnu Mark Wahlberg, perdu entre temps derrière la caméra de Michael Bay pour le bon No Pain no Gain et, plus récemment, les Transformers 4 et 5. Le film de guerre marquait la rencontre entre deux hommes qui deviendront l'artiste fétiche de l'autre (pour, entre autres, Deep Water, Traque à Boston et 22 Miles), et le début de la trilogie "histoire vraie" du réalisateur.
Traque à Boston marque à ce jour la conclusion de cet aparté "adaptation d'un fait divers/acte héroïque/drame planétaire", et si la trilogie ne commençait pas de la meilleure des manières, force est d'avouer que sa conclusion marque un grand coup dans le paysage des divertissements actuels par la violence de sa mise en scène et le choc procuré par sa reproduction à la documentation parfaite.
Se targuant d'une fidélité exemplaire aux faits s'étant déroulés à Boston en 2013, Patriot's day impacte son spectateur par la véracité de son propos, à toujours devoir reproduire la difficulté de gérer pareille situation de crise; entre la poussée des extrêmes de tous bords et l'agitation commune, devoir informer la population sans entraîner d'opinion commune discriminatoire est un réel complexe à surmonter.
Arrive alors la désinformation pour moins inquiéter la population, bien sûr accompagnée du rôle de voyeur inséminé par des médias en quête de toujours plus d'audimat; étrangement d'actualité (on repense à BFM sur le Bataclan ou Charlie), Traque à Boston livre un tableau neutre et sans engagement plus prononcé que que les informations objectives qu'il nous aura données, nous laissant juges de l'appréciation à donner à ces deux terroristes à la personnalité bien approfondie.
Loin de simplement les considérer comme le mal absolu, il nous dépeint un portrait intéressant et développé des raisons de leurs agissements (naissant principalement de l'ignorance et de théories qui font débat); entre fanatisme et lâcheté, ces deux personnalités s'équilibrent l'une l'autre, évoluant dans un environnement déjà bien humain : entre un héros alcoolique et des personnages baignant dans leur train-train quotidien, la reconstitution des personnalités en cause impressionne par son réalisme et son humanité.
Mais là où pèche principalement Traque à Boston, c'est dans son hommage un poil trop larmoyant; outre un monologue abrutissant sur la puissance de l'amour dans le but de battre le diable (seul passage où le film prend réellement partie, qui plus est maladroitement), soit l'ennemi de l'Amérique, toute la propagande américaine viendra tempérer avec la reproduction réaliste et neutre de l'ensemble, lui donnant ce drôle de petit côté bâtard qui fait qu'on a plus l'impression de se trouver devant le propagandisme stupide d'un Du sang et des larmes que face à la neutralité frappante d'un excellent Détention Secrète.
Fait d'autant plus dommage qu'il semble épouser sur sa forme la mise en scène habituelle des films à thème portant sur des faits réels racontés dans une oeuvre fictive moderne, pour ne pas dire la majorité des thrillers actuels; filtre terne et toujours identique depuis la sortie de The Dark Knight, musique rébarbative, répétitive si l'on omet quelques fulgurances appréciables qui n'est pas sans rappeler, non plus, le travail d'un Hans Zimmer, la lourdeur en plus.
Manquant d'imagination, la forme globale sait néanmoins filmer ses scènes emblématiques : entre un attentat saisissant de réalisme et de fidélité avec les faits réels et l'ultime fusillade à l'immersion terrible (encore que sa conclusion part un peu dans tous les sens), ces grandes envolées de talent resteront heureusement plus en tête que la monotonie globale du tout, qui peine à nous livrer de réel travail photographique autre que ce que l'on pourra trouver un peu partout dans le registre.
Un petit film sympathique à voir qui, aussi maladroit qu'il puisse être, apporte des précisions utiles sur un drame terrible, et nous soumet des pistes de réflexion intéressantes sur un sujet des plus complexes (en omettant toute la partie bourrine de la propagande et des clichés américains inhérents aux scènes d'action).