Les remakes live-action de Disney revendiquent la modernisation des récits, tantôt avec ambition, tantôt à outrance. Pourtant, aucun équilibre n’est atteint dans ces tentatives qui échouent lamentablement, à l’image d’un cahier des charges trop évident, trop surchargé et qui bride la créativité des différents artistes sur les projets. Ces aveux sont lisibles sur l’écriture des personnages, plus que sur l’esthétique sur laquelle on mise trop, mais ces artifices ont leurs limites. Niki Caro, prometteuse avant de consolider ses liens avec l’empire du divertissement, perd tout de même le contrôle sur son fer de lance. La féminité est au goût du jour, tout comme la plupart des récits héroïques mettant en scène femme forte, intrépide et indépendante des hommes qui l’entourent, puis qui l’accompagnent. Mais l’authenticité ne fait pas tout. On aura beau se rapprocher des valeurs du poème d’origine, ce qui découle de l’œuvre se verra catapulter aussi rapidement qu’un Mushu sur une fusée.
Et le premier recul, le voici. Si le désir de minimiser la fantaisie dans le récit semblait admirable, il semblerait que certaines personnes ne distinguent pas le sosie mythologique du dragon, que ce soit mentalement ou moralement. La présence de Xianniang (Gong Li) est discutable, sachant qu’elle accomplit les mêmes fonctions que le petit lézard comique. Admettons-le et re tranchons-nous sur ce qui ferait la force de l’intrigue qui se veut guerrière. Pas de brutalité, ni de concessions vis-à-vis de l’effort, juste un acte guerrier. Ce que Hua Mulan (Liu Yifei) brosse comme portrait de la femme d’hier et d’aujourd’hui est unidirectionnel. Malgré l’énergie ou le peu d’empathie que le personnage dégage, elle finit par se heurter à sa radicalité. Difficile de lui trouver des faiblesses et donc difficile de lui accorder une évolution logique, inspirée et pertinente dans son parcours légitime. Et l’incompréhension rôde toujours autour de cette héroïne intouchable et dont l’image se dégrade maladroitement.
Arrive-t-on réellement à percevoir le réalisme la guerre et de l’absurdité militariste dans une dynastie aussi floue ? Quelques idées développaient ces thématiques, avec un élan de bonté et une rationalité respectable. Exit la romance, qui n’a pas sa place dans un monde où la violence demeure le langage approprié. Les hommes qui gravitent autour de Mulan manquent également de consistance, si ce n’est l’élégance, que l’on ampute intentionnellement afin de les caractériser. Mais une nouvelle fois, ce ne sera pas dans le confort des scènes de voltige ou de bravoure que l’on sera conquis, car le film nous parvient avec une muselière apparente et consternante. Le potentiel épique se brise avec autant de facilité qu’on brise les traditions. Il s’agit d’une émancipation sacrée, glorifiant une ère féministe au lieu de la ramener sur un plan social fidèle à la nôtre. Chacun tire le film vers lui, sans constater les conséquences des déformations, révélant par la même occasion une portée ambiguë, propre au dilemme d’une héroïne qui manque de s’affirmer.
Et finalement, ni la réalisatrice néo-zélandaise, ni les quatre scénaristes ne parviendront à rendre toute la noblesse au personnage de « Mulan », que l’on déterre certainement avec trop d’impatience et d’immaturité pour en saisir le prestige, d’où l’échec financier et marketing. L’adaptation de 2009, par Jingle Ma et Wei Dong, a quant à lui laissé reposer cette légende avant de la soumettre aux caprices et à la dureté de la guerre. De même, l’identité de la femme, à travers son apparence et sa sagesse, a pu être sondée dans une mélancolie qu’on lui reconnaît, alors que dans ce dernier essai, il ne reste qu’un sentiment de détournement mal placé et mal anticipé.