On ne connaît que trop bien le concept, du moins c’est ce qu’on croit au début : un homme, sa femme et sa fille sont pris en chasse par des bouseux dans un Texas nocturne cauchemardesque Sauf qu’il ne s’agit pas d’un Survival mais d’une fiction, celle que lit Susan, jouée par Amy Adams, galeriste aussi aisée que blasée et dépressive, un premier roman que lui a envoyé son ex-mari, qu’elle n’a pas vu depuis près de 20 ans. A mesure qu’elle en découvre le contenu, Susan se remémore les circonstances de leur rencontre et de leur séparation, et analyse le chemin parcouru depuis lors. ‘Nocturnal animals’ est donc une mise en abîme, un puzzle dont il faut remettre les pièces dans le bon ordre quitte à devoir les superposer, et qui s’avère particulièrement lisible alors qu’il n’est pas toujours simple de se tirer de cet exercice avec les honneurs. Les émotions, brutes et violentes, de la fiction contrastent avec la remontée d’émotions enfouies au plus profond de la psyché de Susan : dans les pages, il ne s’agit pas seulement d’un néo-pulp sanglant mais de quelque chose d’autre, qui évoque une vie qui aurait pu être, certes pas littéralement mais plutôt métaphoriquement, après avoir redistribué les cartes. Cette offre de lecture en avant-première par un amour d’autrefois, est-ce une vengeance ? L’expression d’un regret ? Une catharsis ? Ou juste une marque de confiance qui bouleverse involontairement beaucoup plus de choses que prévu, et au premier rang le regret d’avoir renoncé sacrifié les rêves de jeunesse sur l’autel de la réussite et de la sécurité matérielle. La facette Thriller du film est tendue comme un arc et, quand bien même on sait qu’elle est imaginaire, elle prend rapidement l’ascendant sur toutes les autres. La facette réelle, elle, repose intégralement sur les épaules d’Amy Adams, qui a la lourde tâche de faire passer énormément d’émotions souterraines à travers une activité aussi statique que la lecture. La curiosité fonctionne à plein régime, alors qu’on échafaude diverses possibilités sur la façon dont les deux arcs réels et fictifs vont bien pouvoir se rejoindre. Conceptuellement, c’est fort. Emotionnellement, c’est juste. Plastiquement, c’est classe. Sur le papier, je ne serais pas loin de lui coller la note maximale. Mais en pratique, je confesse que je me suis pas vraiment senti concerné intéressé par ce mélodrame intérieur, dont dépendent pourtant toutes les autres variables du film. Avec ‘Nocturnal animals’, Joe Wright a vraisemblablement adapté le roman d’Austin Wright aussi brillamment qu’il était possible de le faire, ce dernier faisant tout aussi vraisemblablement partie des oeuvres dont il est impossible de transposer toutes les dimensions à l’écran.