Alors c’est marrant ce film, parce que je le trouve beau, bien écrit, bien joué, bien ficelé… Mais seulement à moitié. Et pour le coup c’est presque du « à moitié » dans tous les domaines ! A part la réalisation qui est vraiment aux petits oignons du début jusqu’à la fin, tout le reste c’est du « à moitié ». L’intrigue est bien écrite, mais à moitié. Le casting est bon, mais à moitié. Le tout est plutôt bien ficelé, mais encore une fois qu’à moitié. Et ça m’a fait du coup un drôle d’effet ce film là. Parce que d’un côté je l’ai bien aimé ce « Noctural Animals » – je ne m’y suis pas ennuyé un seul instant – mais d’un autre côté il ne m’en ait resté presque rien. C’est bien simple, d’habitude j’écris toujours ma critique dès mon retour du cinéma. Là, rien ne m’est venu. Et, pour être honnête, avec quelques jours de recul, la seule chose qui m’est restée à l’esprit, c’est cette impression d’œuvre menée à moitié. J’en prends pour exemple la seule séquence d’intro. Elle est saisissante visuellement : elle dégage à la fois une grâce plastique et une certaine dimension répulsive de part son mélange étrange entre difformité et nudité. Bref, l’intro joue sur les codes, sur nos limites, et tout ça pour… Bah, tout ça pour rien, puisque cette scène ne correspond au final pas du tout à l’esprit du film. Le reste du film est en effet très sage, évitant bien les moments dérangeants. L’intrigue elle-même ne nous met jamais sur la brèche. Alors du coup, pourquoi cette intro là pour un tel film ? Pour moi, ça n’a pas de sens. Mais comme en fin de compte les deux fonctionnent chacun de leur côté, aussi bien l’intro que le développement de l’intrigue, ça passe pourtant quand même. Le souci malgré tout, c’est que cette sensation ne se limite pas qu’à l’intro. Cette impression de manque de liants entre les éléments revient assez régulièrement. Par exemple, très rapidement, le film décide d’enchasser deux récits : celui de la vie mondaine de Susan, et celui du roman d’Edward. Alors, on nous fait immédiatement ressentir que le récit fictif d’Edward est en train de bouleverser profondément Susan comme si cela rentrait en écho avec sa vie passée aux côtés d’Edward. Mais là encore, quand le film se finit le parallélisme entre les deux intrigues m’est apparu quand même bien faible. Parce qu’au fond, qu’est-ce qui fait entrer en résonnance le roman avec la vie de Susan ?
Elle comprend qu’ Edward métaphorise la perte brutale de sa femme et de sa fille en une sorte de meurtre ? Ainsi, Edward expliquerait à Susan, via son roman, comment tout ça l’a tué de l’intérieur ?
Alors OK, pourquoi pas, mais c’est tout ? Pour le coup, je trouve vraiment le dispositif léger. Par rapport à ce qu’on nous a vendu en début de film, je trouve que ça fait quand même pschitt sur la fin. Alors encore une fois, parce que les deux récits fonctionnent plutôt bien indépendamment l’un de l’autre, ça ne m’a pas choqué plus que ça. Mais d’un autre côté se pose la question de ce vide de propos que le film laisse derrière lui. Et c’est là à mon sens que se trouve toute la limite de ce « Noctural Animal ». Certes, tout fonctionne séparément, mais en totalité, le film ne fait pas tant corps que ça. Bref, ce « Noctural Animal » a finalement des allures de joli patchwork composé de belles idées, mais à mes yeux il souffre clairement d’une forme d’inaboutissement pas forcément gênante lors du visionnage, mais qui a fait qu’il n’a pas été marquant sur le long terme. Bon après, si votre but est finalement de passer le temps devant un bon film, ça peut faire clairement l’affaire. Un film beau, au casting plutôt pas mal (Shannon top. Gyllenhaal et Adams pas mal. Taylor-Johnson bof.) et tout ça pour une intrigue pas ennuyeuse du tout : clairement ça peut se prendre. Donc pourquoi pas. A vous de voir…