Nocturnal Animals, ou lorsque l’auteur d’A Single Man, curieuse expérience esthétisée, se met au polar psychologique, dirons-nous. Difficile à classer, en vérité, le travail de Tom Ford, cinéaste issu du milieu de la haute couture, s’affiche comme une forme d’expérimentation cinématographique, une expérience qui lorgne ici du côté du thriller sulfureux, du polar sudiste et du film d’auteur. Entre une temporalité et une autre, entre une femme et un homme, le cinéaste s’emploie à livrer un long-métrage tortueux, archi-esthétisé, mais finalement assez creux. De l’idée, certes, Tom Ford n’en manque pas. Il parvient même à maintenir tout long une certaine forme de suspense quant à l’implication de chacun et surtout, quant à l’aboutissement des écrits du dénommé Edward.
Oui, le film, s’il n’est jamais désagréable, bien au contraire, notamment pour l’œil, Ford étant un brillant metteur en scène sur le strict plan technique, semble pourtant flotter comme dans des sortes de limbes. Inconséquent serait, pour tout dire, le terme approprié. Passé sur les jeux de lumière, les gros plans habiles, les paysages splendides et la plastique des quelques comédiens officiant ici, il reste un scénario flou, un exercice de style qui propose plusieurs lectures. Si évidemment, je loue l’effort, le film étant indépendant de toutes références apparentes, l’ennui pointe parfois le bout de son nez.
Coté casting, pour le coup, le cinéaste peut s’appuyer sur un quatuor impeccable, qu’il s’agisse de Jake Gyllenhaal, comme toujours parfait, d’Amy Adams, parfaitement sensuelle et grisante, de Michael Shannon, froid et implacable, ou encore Aaron Taylor-Johnson, excellent en psychopathe de l’arrière-pays. Musicalement, par ailleurs, le film ne démérite pas.
Reste finalement, sous de beaux atours, un film un peu vain, une production élitiste qui semble privilégié la beauté plastique à la narration, la mise en scène au scénario. Mais est-ce vraiment une surprise de la part d’un metteur en scène tel que Tom Ford? Conseillé, bien sûr, à tous cinéphiles un tant soit peu curieux ou simplement avides de nouvelles sensations, Nocturnal Animals n’est pour autant pas la pépite annoncée, le film immanquable que beaucoup pressentait. 12/20