Entre le film et le documentaire, Clash prend la tangente : il devient faux reportage, et pour cause, ce sont deux personnages de journalistes qui sont enfermés dans un van lors des manifestations égyptiennes récentes. Une fiction, oui, mais surtout une reconstitution de faits réels et toujours en cours, au point que le tournage avait attiré de vrais manifestants.
Clash construit son propre petit volcan sur un lac de lave, une heure et demi de pure révolte et de combats à peine mâtinés d’empathie. D’ailleurs, quand c’est le cas, le film surscénarise et se sort de la veine hypnotique exploitée tout du long. La frustration des personnages d’être enfermés dans un van devient la nôtre, obligatoirement : c’est trop exigu pour que des yeux cinéphiles ne fassent pas de crise de claustrophobie.
Les quelques mètres carré du van de police deviennent la seule fenêtre par laquelle on peut observer le chaos, et elle effectue un tri drastique en imposant ses œillères. Le rythme est le plus petit dénominateur commun de ce tâtonnement devenu partial par inexhaustivité, et c’est la captivation seule qui nous retient prisonnier : le van agit comme un vase communiquant avec l’extérieur, échangeant son humanité et ses revendications sans homogénéité comme des fluides.
On se trouve coincé – métaphoriquement cette fois – dans un naturalisme d’actualité qui ne cherche pas à avoir de portée particulière, ce qui lui permet d’atteindre son but de nous faire voir tous ces gens, séparés par la religion et la politique, comme des humains. Un objectif très simple rempli trop simplement : cette tranche choisie d’une révolution qui perdure, que signifie-t-elle ? On se pose la question de l’attachement aux personnages : est-ce une bonne chose de provoquer des émotions avec une poignée de fausses personnes quand c’est tout un vrai peuple qui souffre ?
Le film ouvre des problématiques philosophiques par sa linéarité et ses bornes arbitraires, remettant en cause non pas la place de l’Occident vis-à-vis de l’Orient mais la manière dont les deux communiquent. On se demande si l’Europe n’est pas plongée plus avant dans l’indifférence parce qu’ironiquement, la prestation est trop fine, trop belle.
Se pose alors la question du rôle du film. Et la conclusion à laquelle j’arrive pour le défendre, c’est qu’il ne joue aucun rôle. Ou alors plein, qu’il sert mal. Car comment peut-on se sentir élevé par une violence présélectionnée, qui ne montre que ce qu’elle a envie de voir, et délimitée sans autre chose que les frontières de notre propre altruisme ? Oui, c’est par altruisme qu’on tolère le film, puis qu’on apprend à être fasciné par sa progression.
Si l’on ne donne pas de vocation précise à l’œuvre, on peut s’en servir de lanterne dans la nuit politique égyptienne et commencer d’y voir la retranscription de haute volée d’une société balbutiante, entamée dans la violence plutôt que sur elle, et qui s’éteint avec la douceur d’une fin quelconque – car la leçon est finalement celle-ci : peu importe si un cauchemar doit finir mal du moment qu’il se termine.
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