Difficile de ne pas avoir une énorme banane en sortant de la salle de « La Vache » où on vient de rire franchement pendant 1h30 (punaise, c’est trop court !), d’un rire de gosse, d’un rire sain sans aucun mauvais esprit. Mohamed Hamidi réussi sa comédie avec peu ou prou les même ingrédients que dans « Né quelque part », sauf qu’il n’y a pas dans « La Vache » les passages douloureux et graves qui émaillaient son film précédent. Ici, c’est de la comédie pure, ultra efficace, posée délicatement sur une histoire toute simple (simpliste diront les mauvais coucheurs), sans aucune autre volonté de faire rire et de charmer. Il n’y a pas vraiment d’autres messages que celui de la fraternité et de la solidarité. Cela paraitra surement naïf à certains, ceux que les bons sentiments exaspèrent au cinéma comme dans la vie. Mais moi, franchement, quand les bons sentiments sont évoqués de cette façon, avec tendresse, talent et humour, je ne fais pas la fine bouche une seule seconde ! Même si Hamidi a à son service une belle brochette de seconds rôles (Djamel Debouzze, Lambert Wilson pour les plus connus mais aussi une flopée d’acteurs algériens formidables), c’est sur les épaules de Fatsah Bouyahmed que repose essentiellement la réussite du film. Je veux consacrer quelques lignes à ce comique encore trop mal connu en France. Ceux qui ont vu « Né quelque part » se souviennent forcément de lui, il avait un tout petit rôle mais son potentiel comique emportait tout sur son passage. C’est un acteur, scénariste qui fait aussi du stand-up, je crois, et j’espère vraiment que le succès de « La Vache » va lui ouvrir enfin les portes du cinéma et du music-hall français car cet homme là est doté d’un sens comique imparable, à mi-chemin entre Chaplin et les Monty Python, il mérite vraiment qu’on s’intéresse à son travail. Dans « La vache », qu’il porte quasiment sur ses épaules (façon de parler, évidemment…), sans jamais en faire top, sans jamais singer qui que ce soit ou caricaturer quoi que ce soit, il est irrésistible de bout en bout. De la toute première scène où il arrose ses légumes en chantonnant (mal) des tubes français des années 80 (spéciale dédicace à Jean-Pierre Mader qui n’a jamais entendu « Macumba » comme ça !) à la toute dernière scène à Paris, on n’a d’yeux que pour lui, on le kiffe grave ! Le scénario de « la Vache » est d’une simplicité enfantine : c’est un road movie (à vitesse bovine) à travers la France de 2015, des cités de Marseille à la Porte de Versailles en traversant la France rurale. C’est une France de carte postale évidement, une France-phantasme : les douaniers laisse entrer Fatah sans aucun problème, les gens qu’il rencontre le long de son chemin l’accueillent avec gentillesse, lui offrent le gite et le couvert, il n’y a pas une once de racisme, par une molécule de suspicion, pas une seule poussière de cynisme dans tout cela. Crédibilité proche de zéro mais on se moque bien que la France traversée par Fatah ne soit pas la vraie, la France traversée par Fatah c’est celle qu’on voudrait qu’elle soit ! Pendant 1h30 (punaise, c’est trop court !), on marche à ses côtés dans une France qui nous rend fier, belle dans ses paysages, belle dans sa population, belle dans ses valeurs d’ouverture et de Fraternité. Et que ce soit un réalisateur d’origine algérienne qui filme cette France là devrait nous emplir de fierté et d’espérance ! L’humour de « La Vache » (façon de parler, évidemment…) est très efficace et puise dans tous les ressorts comiques ; comique de répétition, comique de situation, jeux de mots, choc des cultures, c’est au moins une occasion de sourire, voire de rire, voire même de rire franchement par minute ! Tous les films dits « comiques » de ces dernières années ne peuvent pas tous se targuer d’une telle efficacité. Alors, honnêtement, pourquoi se priver d’une séance de cinéma quasi thérapeutique, en ces temps troublés et anxiogènes ? Ce film devrait être prescrit sur ordonnance, plus efficace d’un anxiolytique, et surtout moins cher. D’ailleurs, dans une scène courte mais tout à fait pertinente, Fatah se demande pourquoi tous les français prennent des antidépresseurs alors qu’en Algérie, personne n’en prend alors qu’il y a plus de problèmes que d’habitants ! Allez voir « la Vache », allez voir Jacqueline, ce film est épatant et il fait un bien fou au moral. C’est le film qu’il fallait au pays le plus déprimé du monde !