La classification « horreur » peut tromper le public, qui ne trouvera pas les sensations qu’il recherche.
C’est un opus qui pose des questions et qui sait ralentir le rythme au bon moment pour nous laisser réfléchir sur le sujet et ses implications.
Le réalisateur, Luke Scott, nous livre sa version du mythe de Frankenstein. Dans le cas présent, la créature est une « humaine » dont le code génétique a été réécrit artificiellement (le récit ne nous dit pas exactement comment, mais ce n’est pas dommageable). On se pose donc les questions bioéthiques liées aux manipulations génétiques que la science sera capable de mettre en œuvre. A commencer par les problèmes afférant à la création d’êtres génétiquement améliorés.
Anya Taylor-Joy joue le rôle principal : Morgane, qui est « la mutante » du film. Cette jeune actrice est capable d’emprunter des attitudes contrastées ; elle est tour à tour forte, fragile, inquiétante, touchante, féroce ou sensible. J’ai ressenti à la fois de l’inquiétude et de l’empathie à l’égard de cette créature qui se révèle émotive, capable d’affection et qui cherche à se conformer aux attentes de son entourage.
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Sur la question de la nature de Morgane, le film a une réponse tranchée en apparence. Morgane réalise sa nature d’assassin. Son émotivité la rend juste impulsive et imprévisible
Le Dr Lui Cheng finie persuadée de la nature violente intrinsèque de cette dernière.
Le film donne l’impression d’un cheminement aléatoire mais il reste que le résultat à long terme aurait été certain, elle n’est pas capable de se contrôler.
Le fait de donner de l’émotivité et de l’affect à Morgane la rend juste plus imprévisible.
La réponse du film est un peu facile, le personnage central n’a guère de libre arbitre à cause de la fonction qui lui était destiné avant le commencement du film.
Le film peut parfois donner l’impression que tout n’était pas écrit, que son comportement a peut-être été causé par les évènements. Elle reste attachée à Amy lors de sa rébellion. De plus, elle n’achève pas Lee à la fin de leur combat (à cause de leur ressemblance?).
Pourtant de l’avis du réalisateur, Morgane est « une machine », ce qui amène à penser qu’elle est programmée dans un certain but. Luke Scott : "Dans mon esprit, Morgane est une machine car je suis en quelque sorte le scientifique qui l’a créée ! Mais nous avons toujours eu l’intention de lui conférer une féminité car il y a une force inhérente à l’être féminin".
Rétrospectivement, la scène du psy paraît stupide, si Morgane présente de tel risque il aurait fallu augmenter le niveau de sécurité avant de la provoquer.
Le film aurait gagné à s’inspirer du message du livre « Frankenstein ou le Prométhée moderne » (de Mary Shelley), à savoir qu’un individu peut devenir un monstre parce qu’il est perçu comme tel.
Donner un peu plus de libre-arbitre et d’ambiguïté à Morgane aurait contribué à rendre ses choix dramatiques.
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Il y a un aspect thriller du fait qu’on en apprenne progressivement sur les personnages et le contexte.
Le questionnement de science-fiction n’est pas approfondi autant que ce que synopsis le promet. Dans le cœur de la narration, l’aspect thriller/horrifique prend le dessus. Puis, le film se termine par phase d’action.
Les acteurs jouant l’équipe du centre de recherche font preuve d’humanité, Rose Leslie particulièrement. Il y a un cas à part :
Kate Mara joue un personnage dépourvue d’émotion et d’empathie, qui affiche une sociabilité de circonstance. Son personnage est bien rendu.
Morgane est le premier long-métrage de Luke Scott, ce qui peut nous inciter à l’indulgence. Dans ce long-métrage, il mélange les genres : cette science-fiction emprunte aux registres de l’épouvante et aux films d’action. Le film a-t-il été taillé pour toucher plusieurs publics ? Le résultat est une œuvre un peu composite. La mise en scène nous fournit des plans chargés de significations, mais le souci… c’est que cette réalisation est trop révélatrice pour le spectateur, qui peut deviner la suite des évènements. En fait, ce sera le cas si le public tente volontairement de décoder ce qu’il voit
, à titre d’exemple, le plan symétrique de Morgane et Lee recouverte par le reflet de la première. Le résultat, c’est que le twist final risque d’être prévisible concernant la vraie mission de Lee Weathers (Kate Mara).
. C’est dommage car ces plans métaphoriques amenuisent le suspense.
Luke Scott gère correctement le rythme qui s’accélère pour la séquence finale.
C’est efficace et encourageant pour ce jeune réalisateur. Maintenant qu’on a vu de quoi il est capable, j’espère que ses réalisations futures seront mieux « centrées » avec une unité de style, des plans intéressants placés au service du film, et un scénario plus approfondis.
La principale carence, c’est que le film prend le parti de ne pas approfondir le sujet de science-fiction pour prendre une orientation action/divertissement.
Ce n’est pas désagréable, mais un peu frustrant par rapport aux promesses de départ de ce long-métrage.
Un film potable