On a souvent lu ou entendu dans la presse que « Morgane » était une sorte de série B. Nous sommes en partie d’accord avec cette impression mais, si on s’attendait à une petite catastrophe nous sommes bien loin de celle annoncée par les oiseaux de mauvaise augure : le film de Luke Scott est passé de film attendu à film incongru en l’espace de quelques semaines. Quelles en sont les raisons ? Ecran et toile tente de trouver quelques réponses :
« Morgane » est un film prévisible. Catalogué sous la référence « science fiction », le long métrage du fils de Ridley (Scott) ne dégouline pas d’éléments du genre, loin de là. Si on fait abstraction de la création de Morgane et de ses capacités hors norme, on évolue plutôt dans un thriller tantôt haletant, tantôt lent. En effet, le point de vue principal du le film s’axe sur la psychologie des personnages, des relations qui existent entre eux ou ceux entretenus avec Morgane.
Le fantasme d’une entité créée par l’homme est déjà très présente dans le cinéma actuel. Le mythe de Frankenstein inspire encore beaucoup de scénaristes mais comme bien souvent, la créature finit par se retourner contre son créateur. Ici encore, Morgane, dont l’enfermement exacerbe une colère latente, crée de sérieux dommages auprès de l’équipe qui l’a éduquée et vue grandir.
La pseudo intrigue nous est révélée tout au long de cette heure trente au point de gâcher un effet de surprise que seuls les moins perspicaces n’auront pas vu venir. En effet, si le personnage central semble être Morgane, on s’interroge sur celui de Lee Weathers, interprétée par Kate Mara (de la série « House of cards »).
Ses réponses formatées, son sang froid en toute circonstance, sa progression sans pathos au sein d’un univers bouleversé par un tragique accident, ne peuvent que nous interpeller sur la nature de son travail, de ses intentions et de sa personne
. Très douée en la matière, Kate Mara assure et convainc. Visage fermé, attitude maîtrisée, avis aiguisé, armée ou sans défense, l’héroïne offre une prestance évidente qui n’existerait pas sans le sérieux travail de son interprète.
Et elle n’est pas la seule à exceller dans le film. Paul Giamatti (que l’on adore) n’y tient qu’un petit rôle mais nous livre une grande prestation. Les autres membres du casting ne sont pas en reste puisqu’ils défendent tous leur personnage avec talent : Boyd Holbrook (que l’on encensé pour son rôle dans « The Free World ») est impeccable et montre que cet acteur a pas mal de choses à nous prouver ; Toby Jones est un Docteur Ziegler touchant ; Rose Leslie une aide empathique, Chris Sullivan et Jennifer Jason Leigh (Daisy dans « Les huit salopards » de Tarantino) un couple de médecins amicaux. L’équipe est sympathique et le doublage correct : de ce côté-là, il n’y a pas grand-chose à redire.
Enfin, en tête de proue, Anya Taylor-Joy est la fameuse Morgane. Abonnée aux rôles étranges, la comédienne sait créer la peur par un seul de ses regards. Celle qui campait une jeune sorcière présumée dans « The witch » incarne ici une petite fille de 5 ans dans un corps d’adulte, à mi-chemin entre un humain et un « robot ». Animée de sentiments, elle est considérée comme une humaine par ses créateurs et comme une chose pour l’entreprise qui finance les recherches. Peu importe le regard qu’on lui porte, la seule chose que l’on retient c’est la maîtrise impeccable qu’à Taylor-Joy pour son personnage.
Produit par papa, dernier film de Luke Scott est à voir dans le cadre des BNP Paribas Fortis car objectivement, ce n’est pas un grand film mais à 4,25€, on ne regrette pas le déplacement. Peu original mais pas mal réalisé, « Morgane », n’est pas un immanquable : divertissant sans être innovant, le long-métrage n’a pas non plus que des défauts. Nous vous conseillons plutôt d’attendre Morgane vienne chez vous lors d’une télé pour vous faire votre petite idée sans passer par la case « ciné ».