Les destins hors du commun ont le don d’attirer la convoitise du grand écran. Et quand en plus c’est magnifiquement mis en images… cela donne d’excellents moments de cinéma. C’est le cas de "La promesse de l’aube". Ce film est intéressant à plus d’un titre. D’abord pour la découverte de cette histoire assez incroyable. Ensuite pour ses nombreuses qualités techniques : l’esthétique visuelle, la reconstitution de l’époque, l’énorme qualité du jeu des acteurs et… une superbe photographie. Oui, ce film ne comporte que des qualités, et confirme le redressement du cinéma français en cette année 2017. Ici, la biographie prend des airs de grande fresque pour nous raconter les nombreuses vies qu’a pu mener Romain Gary. Pourtant, ça ne commence pas franchement sous le meilleur jour, avec un personnage de prime abord désagréable au possible. Est-ce parce que Pierre Niney a tendance à en faire trop à ce moment-là ? Ou est-ce dû au fait que la mise en scène est quelque peu maladroite ? Je ne saurai répondre à ces questions, mais la mise en bouche est tout de même assez bien vue, puisqu’elle permet de partir à la découverte du manuscrit du personnage principal, comme si le spectateur avait eu droit à l’exclusivité. Puis vient la première claque : Charlotte Gainsbourg. Méconnaissable. Transformée. Moi qui la trouve toujours molle comme une chique avec un encéphalogramme proche de celui de la grenouille (c’est-à-dire plat), j’en suis devenu à me demander si elle n’avait pas subi une série d’électrochocs avant de tourner les scènes. Après tout, peut-être que je n’avais pas vu les bons films… Parce que là, elle est dynamique, habitée par son personnage, par l’envie de prendre enfin sa revanche sur la vie par l’intermédiaire de son seul et unique fils, à qui elle promet la célébrité de son vivant, peu importe le domaine. Au cours de son évolution, Charlotte Gainsbourg étonne, impressionne, jusque dans les vieux jours de son personnage (un bravo doit être adressé au passage aux maquilleurs). Dans ce film, elle mérite enfin les lettres qui composent le mot « ACTRICE ». Et elle les mérite amplement. Tout le monde loue également la performance de Pierre Niney. Et tout ce joli petit monde a raison. Parce que malgré un début qui met sur la réserve, et en dépit du fait qu’il se fait purement et simplement voler la vedette par Charlotte Gainsbourg, il montre enfin son immense talent dès lors que celle-ci disparait de l’écran. Un talent hors norme qui atteindra son point culminant lors de la scène à l’hôpital, où il s’exprime avec une véhémence difficile à contenir et les yeux injectés de sang. Mais il serait injuste de ne pas citer Pawel Puchalski, ce petit bonhomme qui joue Romain dans son plus jeune âge. Il démontre une belle sensibilité et donne parfaitement bien la réplique à Charlotte Gainsbourg, et pas seulement à travers les mots. Par exemple, on retiendra la scène où sa mère le scotche au mur, tant elle fait froid dans le dos parce qu’on ne peut s’empêcher de penser alors que Nina Kacew est quand même quelque peu siphonnée et que ça va trop loin. Avec une telle fusion entre une mère et son fils, on pourra mesurer à quel point la mère peut devenir envahissante
, simplement parce qu’elle se mêle de tout, y compris en ce qui concerne les amourettes
. Cette intrusion de tous les instants amène bien évidemment quelques scènes cocasses, lesquelles provoquent quelques rires bienvenus dans la salle. Oui, je crois qu’on peut dire qu'une petite pointe d’humour inattendue a été incorporée dans une histoire où, soyons honnêtes, on ne voyait pas trop comment à la base on pouvait inclure de l’humour. Et pourtant, quand on y réfléchit, c’était inévitable, du fait du ridicule de certaines situations. Ce qui fait qu’avec le recul, on aurait peut-être pu exploiter un petit peu plus cet aspect. Mais c’était au risque d’en abuser… un abus presque atteint lors de l’apparition remarquée de Didier Bourdon quand il entonne sa chanson paillarde, une facétie finalement bien maîtrisée du fait de sa courte durée. Notons également l’apparition remarquée de Jean-Pierre Darroussin mais qui n'est là finalement que pour finir de brosser le portrait de Nina Kacew. A cela on rajoute une réalisation efficace qui ne sombre jamais dans le pathos, bien que l’aspect dramatique ne reste jamais loin d’une histoire où l’espoir constitue le fil rouge. L’époque est parfaitement reconstituée, et la mise en images soignée. Bien qu’étant peu utilisés, les effets spéciaux ont un magnifique rendu : la vue aérienne sur les sols bombardés, le bombardier qui s’extrait des énormes volutes de fumée… Bref, assurément un grand film qui réussit à nous intéresser à l’odyssée d’un jeune formaté pour la gloire par sa mère. Un film qui donne aussi à réfléchir sur ce qu’on doit inculquer à nos enfants. Doit-on les pousser à vivre ce que nous n’avons pas pu vivre alors que c’était notre désir le plus cher ? La question se pose indubitablement quand on voit comment Romain Gary a fini (informations données à l’entame du générique).