A lire les critiques négatives, et notamment celles de la presse, je me disais que je devais être un spectateur trop bon public, trop bienveillant… Heureusement, ce film a également ses afficionados, ses admirateurs… d’ailleurs, j’ai eu le sentiment, en lisant les nombreux commentaires que, plus on avançait dans le temps, plus les mauvaises critiques devenaient rares… et c’est tant mieux !
C’est impressionnant comme ce film peut faire naître des avis aussi tranchés.
Beaucoup lui reprochent un manque d’émotion. Certes, il sombre rarement (même jamais, pour dire) dans le pathos. Mais ces mêmes personnes n’auraient-elles pas été les premières à fustiger le film s’il y avait versé ? L’émotion « passe » d’autant plus naturellement, je trouve, parce qu’elle n’est justement pas dénuée d’ironie, d’auto-dérision, de légèreté : dans ce film, on rit avant de pleurer, ou avant de grincer des dents… L’un n’empêche pas l’autre : et on pleure et on grince des dents d’autant plus facilement qu’on a ri sincèrement, franchement… avant.
A ce propos, d’autres reprochent justement à la réalisation d’Éric Barbier un manque de sérieux, un humour à la limite de la bouffonnerie, insupportable et qui gangrène le film. Perso, j’ai trouvé l’humour distillé intelligemment et surtout éminemment salvateur : Dieu que cette adaptation aurait été sombre et glauque sans cela !
J’ai également lu, ici et là, que cette adaptation manquait de souffle, qu’elle ne possédait pas le caractère épique qui est l’une des propriétés majeures du roman, et qu’elle ressemblait davantage à une adaptation TV qu’à un digne long-métrage de cinéma. A ce sujet, Éric Barbier semble effectivement souffrir d’une réputation de piètre réalisateur chez l’intelligentsia. Eh bien, pour un « aussi piètre réalisateur », quel bon film ! L’emphase se trouve être dans l’interprétation même de Charlotte Gainsbourg (incroyable !) et, à un degré moindre, dans celle de Pierre Niney (savoureux !). En fallait-il vraiment davantage ? Pas sûr. N’y a-t-il pas là, finalement, un certain équilibre entre la tempérance de la réalisation et le jeu d’acteur ?
Dans la même veine, certains estiment qu'Éric Barbier a signé là une adaptation trop sage, trop académique… Eh oui… Quand on est fidèle à l’œuvre d’origine, on est qualifié d’« académique »… Mais quand on s’éloigne de l’œuvre originale, on est qualifié, par ces mêmes personnes, de traître et de parjure ! Difficile d’échapper à la critique négative dans ces conditions !
Le jeu de Charlotte Gainsbourg serait, d’après certains détracteurs : risible, ridicule, insupportable. Seulement, la plupart de ces détracteurs semblent, de toute façon, ne pas apprécier Charlotte Gainsbourg, quoiqu’elle fasse ! Quelle objectivité dans la critique ! On peut ne pas adhérer à son jeu, je suis prêt à en convenir : mais on ne peut pas ne pas reconnaître qu’elle crée la surprise ; qui l’aurait crue capable d’un tel jeu d’actrice ? (réponse : le réalisateur, apparemment, et tant mieux !).
Quant à Pierre Niney, perso, j’adore, mais ce sera pourtant là mon petit bémol : j’ai retrouvé dans son interprétation de Romain Gary, des « accents » connus… des similarités de jeu… avec son interprétation d’Yves Saint-Laurent. Vous me direz : « Normal, dans les deux cas, il s’agit d’interpréter un homme au seuil de la folie. »… Pour autant, je maintiens le bémol : je trouverais dommage, fort dommage, qu’au fil du temps, Pierre Niney ne fasse plus que du Pierre Niney… Gageons que ses prochains films me donneront tort… Et, là encore, ce sera tant mieux !...