Un film avec énormément de grandes qualités, mais qui malgré tout, n'arrive pas à complètement convaincre... Peut-être le roman était-il difficile à adapter à l'écran, car le scénario prend véritablement trop de directions et manque de linéarité, ce qui finit par donner un caractère artificiel à certaines scènes, qui arrivent bien brutalement... On n'arrive pas à comprendre sur quoi le réalisateur a voulu s'attarder, les différents degrés de lecture, à savoir
le passé de Sophie, la relation entre Sophie et Nathan, l'apprentissage de Stingo, la psychose de Nathan,
sont tous très bien traités, et ce n'est pas une moindre qualité, mais le problème est que du coup le spectateur finit par être un peu désorienté et ne pas savoir où donner de la tête, ce qui l'empêche ( ou peut l'empêcher) de s'attacher véritablement à une de ces pistes, et par là diminue l'impact émotionnel. Le choix qui donne son nom à l'oeuvre est ainsi un peu noyé dans les 2h30, même si la scène est terrifiante. Assez paradoxalement, ce film serait donc presque trop court pour la richesse de son contenu ! Néanmoins il reste à voir, car ses qualités sont immenses, à commencer évidemment par ce qui le rend célèbre, la prestation de Meryl Streep, sublime de délicatesse et incroyable dans l'imitation de l'étrangère, avec les prouesses linguistiques que ce film requiert pour elle. L'une des plus belles apparitions de cette actrice, qui livre nombre de moments inoubliables, et
l'expression de son visage illuminé par le clair de lune au bord de la fenêtre restera gravée chez beaucoup de spectateurs
. Les deux acteurs masculins réussissent l'exploit de ne pas s'effacer derrière elle, et d'offrir des compositions extrêmement fouillées et attachantes, Kevin Kline tout en poésie et en spontanéité, extrêmement solaire,
réaliste dans sa folie et maniant le mélange des passions avec subtilité, sans excès
, Peter McNicol est son contrepoint, plus lunaire, très doux, un jeune homme qui découvre la vie et promène partout une grande candeur, extrêmement touchante, même si le personnage est moins original que les deux autres. Rien que pour ce casting, le film mérite d'être vu. Le traitement de l'émotion est très juste, sans sentimentalisme mais sans distanciation non plus, les larmes sont rares, et l'émotion est plutôt contenue dans les silences, dans les regards, dans les lumières, et c'est cela qui donne tout son poids au film, la force de la scène principale n'en étant que décuplée. On note aussi un usage très sobre et très justifié de la musique, qui n'a pas ici la fonction de cache-misère ni de lacrymogène. Enfin, de nombreuses images sont profondément poétiques, même si la personnalité du réalisateur est un peu écrasée derrière les acteurs et le sujet, sans manquer à l'appel néanmoins.
Pour résumer, un film qui possède toutes les qualités nécessaires pour briller, et recèle de nombreuses pépites et des moments incroyables, mais pêche par une narration saccadée ou floue, et des problèmes de proportions entre les sujets et les différentes scènes. A voir cependant, d'autant plus que les 2h30 ne comportent aucun temps mort, pour passer un moment entre tendresse et cruauté, une émotion douce-amère.