Le nom de Mamoru Hosada n’est plus inconnu de nous occidentaux. Ce réalisateur japonais s’était tout d’abord fait remarquer par Summer Wars, véritable fable écologiste et humaniste. Puis, il a définitivement marqué les esprits avec Les Enfants Loups, Ame et Yuki, un film qui (chose exceptionnelle pour de l’animation japonaise non-Ghibli) a ameuté dans les salles obscures un nombre très important de spectateurs français.
L’homme est revenu sur nos écrans en début d’année 2016, avec la sortie – plus de six mois après celle du Japon… – de ce nouveau long-métrage, Le Garçon et la Bête, une œuvre dans la continuité de ce qu’il a déjà créé.
Le film commence ainsi par la fugue du jeune Ren, refusant de rejoindre ses nouveaux tuteurs légaux, un déménagement qui fait suite au décès de sa mère. Esseulé dans les rues bondées de Shibuya, criant sa haine et pleurant son désespoir, il fait la rencontre de deux hommes encapuchonnés. L’un d’eux, suite au défi de l’autre, prononce des paroles surprenantes : il choisira en tant que disciple le premier humain qu’il croise. Cet humain, c’est Ren. Celui-ci se met alors à suivre ces deux inconnus dans les rues de Shibuya, jusqu’à atteindre un monde parallèle à l’existence insoupçonnée : Jutengai, le pays des Bêtes.
Voici les prémices de ce que constituera une bonne partie de l’intrigue : Ren se retrouve sans repères, dans un univers inconnu qui ne tolère que très peu les humains, et sous la toit du rigide et dur Kumatetsu, son « maître », une espèce d’ours rouge, excellant à l’art de l’épée. Ce-dernier va enseigner tant bien que mal son art au jeune humain (renommé Kyûta), afin qu’il devienne aussi fort que lui… A moins que de différents desseins ne se profilent pour eux ?
Le film présente sous toutes les coutures la relation qui va se nouer entre l’élève et le professeur. Si une certaine incompréhension, ainsi que de la méfiance s’installent au début, on comprend bien vite que ces deux personnages était destinés à se croiser, tellement ils se ressemblent, en témoignent leurs fantasques disputes, moments pleins d’humour. Le lien unissant Ren et Kumatetsu est en quelque sorte le fil conducteur du scénario, et c’est un véritable plaisir que de suivre l’évolution de nos protagonistes l’un par rapport à l’autre. Toutefois, de nombreux évènements et autres personnages viennent par ailleurs s’imbriquer autour de cette relation, promettant quelques rebondissements scénaristiques… Même si l’histoire – dans le fond – ne recèle pas de quelconque originalité.
Kumatetsu est l’une des figures de la féérie qui caractérise Jutengai, et plus généralement l’œuvre. En effet, le monde des bêtes offre bon nombre de personnages au physique (mais aussi à la personnalité) délirant : les deux amis de l’homme ours sont en réalité un singe et une créature à tête de cochon. Le Seigneur de Jutengai est un lapin, facette plus ancienne du lapin blanc d’Alice, à l’infinie sagesse. Mamoru Hosada réussit une nouvelle fois à façonner un univers unique et rempli d’onirisme. Cependant, j’ai trouvé qu’il n’était pas assez mis en avant, et de nombreux éléments restent anecdotiques. Ainsi, je n’ai pas retrouvé la même magie merveilleuse, fantasmagorique et poétique, à laquelle j’ai pu par exemple être touché dans Summer Wars ou Les Enfants Loups. Mais c’est certainement voulu par le réalisateur : ce-dernier a préféré se concentrer sur ses deux héros, comme sur le thème de la quête de la connaissance de soi-même. Le cinéaste joue aussi sur la confrontation entre le monde humain moderne et le monde traditionnel des bêtes, deux ensembles qui semblent se compléter, mais qui ne doivent jamais entrer en confrontation…
La première heure est dédiée à l’initiation de Kyûta, et peut parfois s’avérer longuette à différentes occasions. Mais c’est véritablement dans sa deuxième partie que le film devient bouleversant, et diablement accrocheur. Ce point me permet d’appuyer la richesse scénaristique de l’œuvre, qui, derrière une apparence candide, est bien plus dramatique qu’on ne peut le croire.
Enfin, je ne serais pas complet si je ne parlais pas de la qualité de l’animation ainsi que de la bande-son. Ce premier aspect est une réussite : le spectateur pourra apprécier de somptueux paysages et de nombreux plans finement détaillés. L’animation est clairement sophistiquée, les mouvements fluides et l’image colorée. Quant à la musique, elle se fait très discrète. Trop discrète. Malheureusement, je n’ai même pas le souvenir qu’elle ait joué à quelconque moment un véritable rôle. Pour une création nippone, on aurait pu s’attendre à meilleur.
Quoiqu’il en soit, Le Garçon et la Bête reste un incroyable long-métrage d’animation, foncièrement moderne. Délaissant la poésie imaginaire qu’il a exploré dans ses précédentes œuvres, Mamoru Hosada livre ici tout de même un film au quotient émotionnel important, fondé sur des thématiques passionnantes, et transcendant le quotidien. Notre quotidien.