Les récits initiatiques jalonnent l’histoire. Plus besoin de présenter Joseph Campbell, auteur de la théorie du monomythe et de son schéma aux mêmes étapes pour la construction du voyage d’un héros. C’est d’ailleurs par le biais du mythe que l’être humain s’est défini et a évolué, par le passage d’une mémoire imitative en tant qu’Homo Erectus à une mémoire mythique avec l’Homo Sapiens. Les récits fondent ainsi les personnes, les influent dans leur avenir, leur personnalité. Désormais, nous sommes influencés par des histoires sous différentes formes, principalement culturelles.
Malheureusement, on oublie trop facilement l’aspect créateur de personnalité qu’ont ces récits pour aller vers la facilité. C’est ainsi que lorsqu’un film pour enfant est moyen voire médiocre, on sort l’excuse du « c’est juste pour les enfants ». Ce genre de comportement rabaisse l’importance du contact entre la culture et des personnes en pleine construction de leur personnalité. Heureusement, il existe encore des studios/artistes qui tentent de relever le niveau comme Pixar, Laika, Disney ou Ghibli. L’œuvre que nous allons aborder aujourd’hui partage la même nationalité que le dernier studio cité.
Ren est un garçon qui s’est enfui de chez lui après le décès de sa mère. Il arrive un jour accidentellement dans le monde des bêtes, créatures animales anthropomorphiques. L’enfant va alors devenir le disciple de Kumatetsu, guerrier égoïste et mal léché qui veut absolument prendre la place de son seigneur. Un lien fort va alors unir nos deux héros.
Mamoru Hosoda est sans aucun doute l’un des grands noms de l’animation nippone et le prouve à nouveau avec « Bakemono No Ko » (titre original). Il tisse à nouveau un récit où des personnages en difficulté se construisent dans des situations extraordinaires. Ren va devoir apprendre à gérer la colère qui le ronge depuis la mort de sa mère pour mener une vie normale tout en se confrontant à Kumatestsu. Ce dernier devra accepter à contrecœur son statut de père spirituel afin de lui-même se soigner de la propre rage et solitude qui l’animent. C’est la rencontre de ces deux êtres profondément blessés qui va les aider à grandir et devenir meilleurs. Leur relation s’avère des plus touchantes et constitue l’un des points forts du film.
Néanmoins, c’est plus à Ren (qui sera renommé Kyûta) que nous nous accrochons (normal vu son statut « humain »). C’est plus son combat intérieur contre lui-même qui animera le récit. Le roman Moby Dick est cité, ce qui est loin d’être anodin au vu de la portée du récit (ainsi que l’apparition d’une baleine). Devant faire face à un protagoniste constituant sa part sombre et sa haine envers le monde entier, Kyûta devra partir à la recherche de l’apaisement pour vaincre et réussir.
Si le récit mythique prend une forme des plus classiques (l’introduction confirme ce sens), Hosoda nous dépeint quand même certains personnages hauts en couleur. Malheureusement, cela fait partie des faiblesses du récit car ceux-ci explicitent un peu trop ce qui se déroule dans l’intrigue et qui était facilement compréhensible. En tout cas, cela n’empêche quand même pas ces derniers d’être assez bien écrits pour s’attirer les faveurs des spectateurs, qu’importe leur âge.
Ainsi, si « Le garçon et la bête » n’est pas exempt de défauts, son écriture et sa mise en scène ont de quoi le classer parmi les meilleurs films sortis cette année. Mais plus encore, cela l’inscrit dans le haut du panier des œuvres familiales animées qui oublient parfois de se concentrer sur leur message. C’est en effet dans ces films que les jeunes spectateurs vont prendre leurs marques dans un monde dont ils auront beaucoup à apprendre. Alors, au lieu de les mettre face à des œuvres aseptisées pour les protéger d’une certaine violence et de certains thèmes auxquels ils devront se confronter, ou encore devant des divertissements puérils, vulgaires, oubliables et aux messages des plus honteux (#LesNouvellesAventuresDAladin), il vaut mieux ouvrir nos enfants à des films comme « Le Garçon et la bête ». Car dire qu’une production peut être mauvaise car elle est destinée à des enfants, c’est rabaisser l’intelligence des générations suivantes et pousser les cinémas à ne sortir que des produits de basse qualité là où l’on aurait besoin de spectacles enrichissants intellectuellement…