Tout à fait d'accord avec Extremagic --> sa critique est à lire!
Et la critique de Libération aussi
On s'excite un peu trop sur ce Hosoda, qui vient non pas confirmer que le réalisateur est, après Miyazaki, le "nouveau seigneur" de l'animation japonaise, mais justement mettre un doute là-dessus : si Hosoda s'impose comme l'un (le?) plus grand réalisateur japonais de films d'animation, ce film marque un pas en arrière, en terme de qualité, par rapport aux Enfants Loups. Personnellement, je considère Ame et Yuki comme un chef d'oeuvre, qui n'a rien à envier aux grands succès de Ghibli, même si ce n'est pas du tout le même style. En revanche il me semble impossible d'accorder ce statut au Garçon et la Bête (très mal nommé, car en parallèle de La Belle et le Bête, alors que la traduction aurait dû être L'enfant de la Bête, beaucoup plus fin et suggestif).
C'est un premier problème, celui de l'absence de suggestif, comme l'a dit Extremagic, avec ce qui en est le meilleur exemple :
l'explicitation de ce que signifie Moby Dick
. Au moment où une oeuvre révèle son sens, sa métaphore, elle dit au lecteur qu'il n'y a pas à creuser davantage et refuse d'avoir une profondeur, pourtant nécessaire au chef d'oeuvre. Est-ce parce que Hosoda est produit par Gaumont, qui le pousse vers le mainstream ? J'en ai peur, notamment pour la suite...
C'est aussi le côté happy ending qui déçoit. Ren/Kyuta ne perd rien : rejoignant le monde des humains il retrouve sa copine, son père biologique, et son maître se fond en lui à travers son sabre. Il n'y est même pas diffus, comme un souvenir, mais réellement, pouvant converser avec Kyuta comme s'il était en face de lui.
Pourtant l'entrée dans l'âge adulte implique séparation, rejet nécessaire d'un passé intériorisé mais forcément en partie perdu, comme le montrait avec maestria Les Enfants Loups, les enfants délaissant leur mère.
Ren lui garde tout le monde, en prime comble son "vide" et parvient à sauver le personnage mauvais, blessé du film.
C'est un autre point fragile du film qui est lié à ce personnage : l'insertion de nouveaux thèmes assez loin dans l'intrigue :
le rapport avec le monde humain, à travers un personnage féminin qui flirte avec la profondeur mais touche souvent au cliché (fille trop sérieuse, violentée, poussée par ses parents à travailler malgré elle, amoureuse pudique néanmoins), de même pour le monde de l'université, assez fade et qui pourtant attire notre héros : cette attirance n'est pas vraiment étudiée, pas ressentie comme foyer d'identité par le héros. L'autre personnage humain, le "fils" d'Ioven aussi est trop rapidement traité, subitement mauvais, écho du personnage principal, alors que celui-ci semble avoir comblé son vide. Il entraine une scène finale violente, pleine d'explosions détonnantes par rapport à l'intrigue, où la figure Moby Dick est, encore une fois, trop expliquée pour toucher vraiment et sembler l'image de l'ultime obstacle de la quête identitaire.
Dernier reproche :
les deux mondes sont clairement distincts, hétérogènes : si les animaux arrivent à pénétrer le monde des humains ils n'entrent jamais en interaction avec des humains "réels", à part les deux jeunes qu'ensuite ils élèvent. Par conséquent le trouble qui existait chez Ame et Yuki, double personnages devant vivre dans un monde qui ne les accepte que sous une facette, Ren est clairement tantôt chez les humains tantôt chez les bêtes. De plus, tout le monde le connaît chez les bêtes, où il ne souffre pas de son statut humain, et chez les humains, ayant leur apparence, il ne souffre pas tant de sa différence, mais sait que ce monde est le sien.
L'interpénétration des deux mondes rend la question complexe et d'autant plus difficile qu'elle n'offre pas de "lieu sûr" dans Les Enfants Loups, quand la construction de l'identité est beaucoup plus simple pour Ren, se fondant essentiellement, dans son coeur, sur le père adoptif.
Reste que l'animation est géniale, les personnages primaires et secondaires quand même fouillés, l'histoire super bonne, et qu'on s'emmerde pas une demie-seconde. Mais ça c'est évident, c'est du Hosoda!