== Vu en avant-première lors du festival Kinotayo ==
Tout comme Kore Eda avec Notre Petite Sœur, Hosoda faisait face à une lourde tâche en réalisant ce film : confirmer son succès international qu’a été Les Enfants-Loups, Ame et Yuki, et démontrer qu’il avait bel et bien la carrure pour devenir la nouvelle figure de proue de l’animation japonaise. Il a donc choisi de faire évoluer en douceur la formule éprouvée qui avait fait le succès de son précédent film mais aussi de Summer Wars (2009) : un héros à la lisière entre deux mondes, un duo de personnages dont le lien va constituer le cœur du récit et des interrogations sur notre identité, ce qui nous rend uniques.
Le premier constat qui s’impose est esthétique : Bakemono no ko est encore plus beau (oui c’est possible) que Les Enfants-Loups et confirme le talent de son réalisateur. Makoto Shinkai garde encore une certaine avance dans le domaine précis des effets de lumière (le lecteur est vivement incité à regarder Voyage vers Agartha pour vérifier ;) ), mais sinon Hosoda surclasse les autres réalisateurs de l’Archipel et d’ailleurs. Les foules sont grouillantes et pleines de vie, les personnages mi-hommes, mi-bêtes, bien croqués, l’action fluide et sans défauts. Tout au plus regrettera-t-on une fin qui fait un peu débauche d’effets spéciaux.
Mais le progrès n’est pas que technique : le scénario a également gagné en nuance et en complexité par rapport aux Enfants-Loups, à qui certains avaient reproché un certain dualisme. Ici, le héros, fugueur rebelle, est partagé entre le monde des bêtes est celui des humains, tout en devant composer avec l’absence de ses parents (véritable leitmotiv de l’animation japonaise, à croire que seuls les parents japonais n’ont pas encore reçu le message). Mais la « bête » du titre, Kumatetsu, le prend sous son aile… en théorie. Car bien qu’exceptionnellement doué au combat, il est aussi colérique, impulsif et impatient, le maître idéal en somme ! Mais c’est cette imperfection des deux protagonistes (l’enfant sauvage d’une part, la bête bougonne de l’autre) qui va rendre leur relation intéressante et peut-être plus profonde que celle qui unit Hana et ses enfants dans Les Enfants-Loups : les deux vont apprendre et progresser au contact de l’autre, un processus que l’on retrouvait déjà récemment dans Miss Hokusai. Rapidement toutefois, Kyuta se retrouve confronté à ses origines humaines, qui le distinguent des habitants de Jutengai. Ce dilemme pour l’adolescent dont la personnalité est encore à construire, et l’éducation à faire, constituera l’autre grand ressort du film, et c’est l’alternance entre les ressorts Kyuta-Kumatetsu et celui de l’éducation du jeune garçon dans le monde des humains qui donne à Bakemono no ko toute sa richesse thématique.