(...) Si au départ il envisageait un film beaucoup plus long et plus orienté vers l'action, avec un découpage tendant vers le vidéo-clip, Orelsan a eu la bonne idée d'écouter les conseils de ceux qui l'entouraient et l'aidaient dans son entreprise. Ainsi, le resserrement vers les personnages lui permet d'avoir des personnages tangibles à l'écran, qui vivent des péripéties et des tourments qui nous touchent tandis que la progression dramatique est vraiment réussie. Egalement, les choix de mise en scène lui permettent de faire vivre son cadre, de créer un vrai espace dans lequel il nous offre quelques gags à l'influence japonisante. Ensuite, il y a des répliques en or, soutenues par une narration faisant appel ou référence à des morceaux de l'album-concept de 2013 mais aussi par d'autres spécialement écrites pour le film qui permettront au duo de sortir un album en plus du film. C'est un point commun avec le film de Ben Drew dont je parlais plus haut et ce choix permet de créer un film hybride, entre comédie musicale et drame social. Car ne nous y trompons pas, "Comment c'est loin" est aussi un drame. Le film n'est pas un tire-larme mais ce n'est pas non plus une comédie hilarante qui enchaîne les gags. C'est avant tout un état des lieux, une radioscopie de cette génération de trentenaires qui s'avère un poil désabusé, bloqué dans un monde pas vraiment fait pour eux et qu'ils ne maîtrisent pas complètement. Enfant des 90's (comme moi), provincial attaché à ses origines, Orelsan signe un manifeste qui nous change un peu des comédies bien pensantes des bobos et des hipsters et il en profite pour mettre en lumière des amis au talent et à la personnalité accrocheuse. Quand on voit le personnage de Claude, on a aucun mal à se dire que le mec qui l'incarne ne joue pas tellement et qu'il est plus ou moins comme ça dans la vie. Il y a aussi cette très belle scène entre le héros et sa mamie, touchante, délicieuse et d'une drôlerie poétique qui offre au film une vraie bouffée d'air. Gringe est aussi un acteur-né, le mec prend du plaisir et ça se sent, surtout qu'il ne force pas trop sa voix et sa présence est bien réelle. Surtout, le film ausculte les maux de cette génération et il n'épargne pas vraiment ses personnages. Glandeurs, flemmards, malhonnêtes avec leurs proches, truqueurs, dépravés, paumés, ce ne sont pas vraiment des super-héros mais plutôt des mecs perpétuellement en attente de quelque chose de cool sans faire trop d'efforts. Mais ce sont aussi des mecs bourrés de talent qui ont besoin de se bouger pour forcer leur destin et le fait de n'avoir que 24 heures pour sortir un single ne les motivera pas plus que ça. C'est en s'affrontant, soit frontalement entre eux soit en faisant le point de manière pleine et honnête, qu'ils arriveront enfin à progresser. Ils auront entre-temps vécu pas mal d'aventures et on aura découvert leur univers mais aussi leur background, entre rires et tendresse. Il y a bien sûr quelques bonnes répliques dans le film, des gags bien trouvés ou bien des scènes vraiment intéressantes, ce qui permet à "Comment c'est loin" d'être un vrai film d'auteur tout en étant une comédie réussie, rythmée et drôle, mais aussi un drame parfois social qui se penche sur des personnalités trop peu souvent évoquées au cinéma et qui donne un cinéma français un vrai coup de frais. La critique complète ici