Notre civilisation arrive à son inévitable décroissance. On nous le répète, on nous le martèle, du moins les médias indépendants. Les collapsologues, nouveaux scientifiques étudiants l'effondrement prochain de notre société s'expriment de plus en plus sur la toile et apportent avec eux la vision pessimiste d'un retour en arrière auquel nous ne sommes pas préparés. La raison : l'épuisement inévitable du pétrole dont nous sommes bien trop dépendants.
Sous couvert d'une fiction sobre et épurée aux allures de documentaire d'anticipation, Stephen Fingleton démarre son histoire de la plus sombre des manières avec ce corps maigre, presque nu, trainé dans la terre. Une entrée en matière efficace qui rappelle celle de It comes at night et reprend le flambeau dramatique des premières secondes où deux simples courbes montrant la corrélation entre la population mondiale et les ressources pétrolières suffisent efficacement à poser le contexte.
Celui dont on ignore tout, jusqu'à son nom est un survivant. Ami ou ennemi, il vient d'enterrer son dernier rempart contre la solitude. Seul, silencieux, dans une cabane en bois au milieu d'une forêt, il se plie à une routine faite de méfiance et dénuée de la moindre émotion. Sans cesse sur ses gardes, le visage impassible, le corps frêle, le plaisir inexistant, il subsiste. On se demande même comment la folie ne lui a pas encore jouée des tours. On se le demande. C'est astucieux et à ce stade, ouvert à toutes les possibilités. Ses souvenirs d'un autre monde partent en fumée. L'absence de l'autre est palpable, presque trop. La folie ? Peut-être ?
Et brusquement, dans son quotidien alerte, l'inconnu va se matérialiser sous la forme d'une mère et de sa fille, presque mutiques, comme lui. Une cohabitation sous tension démarre, de la plus malaisante des manières. Dans The survivalist, la vie est réduite à son stricte minimum, jusque dans les mots, rares, choisis, pudiques, uniquement destinés à se faire comprendre ou à ordonner. Une simplicité sans autre choix, sans sourires ni relâchement, dictée, on le devine, par une période bien plus sombre qui ne semble pas s'être totalement estompée. La vie réduite à son strict minimum. La survie.
Et à mesure que les choses s'organisent, que la compagnie, même calculée, se fait plus forte que la solitude, les objectifs de chacun se dévoilent et se modèlent au fil des événements. Il n'y a dans cette cohabitation improvisée ni gentils, ni méchants mais des instincts, des choix dictés par l'insécurité constante, la précarité, l'instabilité d'un lendemain.
Sans user d'aucun artifice, sans musique, Stephen Fingleton, dont c'est le deuxième long-métrage, fait preuve d'une maîtrise chirurgicale pour nous livrer un récit glaçant, où la moindre erreur, le moindre relâchement, le moindre début d'une émotion peut entraîner le pire. Le temps dont jouissent les protagonistes devient oppressant, tendu malgré sa distorsion, et le réalisateur l'appui de mouvements de caméras qui frôlent parfois le génie dans un paysage d'herbes hautes occultant un danger invisible. Maîtrisé de bout en bout, The survivalist n'a rien d'émouvant ou de surprenant car tout y est calculé en permanence. La survie y est latente et contrairement à beaucoup de films, elle n'est ni furieuse, ni expéditive. Seule la mort l'est.
Ainsi, jusqu'au dénouement ouvert, l'espoir n'a aucunement sa place dans cette nouvelle ère et le réalisateur britannique nous abandonne un peu secoué par cette vision d'un avenir dénué d'une quelconque source de bonheur.
Le monde n'est plus ce qu'il était. L'homme non plus. Quoique ?