Il n’y a que Francis Veber qui puisse imaginer des duos improbables. A part lui, qui aurait imaginé associer Gérard Depardieu et Pierre Richard pour composer un tandem avec deux personnages aussi différents ? C’est pourtant bien le cinéaste qui est le roi du buddy movie à la française. Déjà, les deux comédiens ont beau pratiquer le même métier, on ne peut pas dire qu’ils ont les mêmes horizons, ni même des talents similaires, en tout cas pas le même profil tant physiquement qu’artistiquement. Et pourtant, quand on les voit à l’écran, ils paraissent si complémentaires, au point que cette première collaboration en appellera deux autres. Trois duos composent donc leur filmographie commune, à commencer par "La chèvre" qui n’est pas selon moi leur meilleure association. En effet, je trouve que leur jeu s’est considérablement affiné pour "Les compères" ou "Les fugitifs", à la différence près que l’effet de surprise se sera fatalement dissipé. Mais revenons sur "La chèvre", puisque c’est présentement ce qui nous intéresse. Le succès fut au rendez-vous. Plusieurs raisons à cela : d'abord les deux acteurs ont le vent en poupe ; ensuite le concept du duo de choc, tout le monde ayant encore en mémoire des duos inoubliables tels que De Funès-Bourvil, ou Fernandel-Cervi pour ne citer que ceux-là. Sur un scénario comportant quelques invraisemblances (eh oui, il n’y a pas de gorilles au Mexique) et quelque peu tiré par les cheveux, le succès est aussi dû à une très bonne écriture des dialogues, lesquels suggèrent le rire par le ridicule de la situation. La première banderille sera donnée par François Perrin (Pierre Richard) à l’aéroport. Certes, il faut reconnaître aussi l’implication des acteurs, en particulier Pierre Richard pour qui le personnage semble être comme une seconde nature. Et Depardieu voulait le rôle ? Ma foi, je ne l’imagine pas un seul instant à la place du grand maladroit chétif, et visiblement Veber non plus puisqu’il est resté sur ses positions en dépit des difficultés créées par les caprices de Depardieu. Dans tous les cas, le résultat est plaisant, et au vu du phénomène, les américains se sont sentis obligés d’en faire un remake (que je ne connais pas). Le plaisir est tel qu’on fait fi des faiblesses du scénario dont j’ai parlé un peu plus haut. Bon, d’accord, en cette année 1981, le public était moins exigeant que maintenant. Et cela a suffi pour que ce film marque à jamais les mémoires des spectateurs de l’époque. Parce que franchement : qui peut croire à une histoire pareille ? La fille d’un PDG disparait du jour au lendemain au Mexique, et l’enquête sur place n’a rien donné, même en ayant envoyé un détective privé expérimenté (Campana). Qu’à cela ne tienne, tel un père qui refuse en bon père de croire à ce que n’importe qui d’autre aurait cru, il engage quelqu’un d’aussi malchanceux que sa fille en complément de son détective, en misant sur le fait que la perpétuelle malchance de Perrin le conduise sur le chemin malchanceux de la fille Bens. Avouez que quand même hein, c’est loufoque comme idée ! Mais ça marche ! Et ça marche si bien qu’on a presque envie d’apprendre certaines répliques par cœur, rien que pour le plaisir ! Et je crois que nous, cinéphiles qui nous intéressons aux avis donnés par les uns et les autres, pouvons remercier les internautes d’avoir retranscrit quelques répliques pour les ancrer un peu plus dans la postérité. Rien qu’en lisant celle qu’a rapporté Stebbins, les images reviennent illico ! Et au simple fait de se souvenir, le sourire se dessine automatiquement sur les lèvres. Vous ne me croyez pas ? Essayez ! Mais si vous êtes allergiques à ce genre de comédie, ça va vous gonfler ! Surtout si vous n’appréciez guère le cinéma français typé années 80. Mais ça m’étonnerait, tout du moins pour la majorité des spectateurs.