Les génériques de démarrage ont leur importance, et "Hotel Singapura" en est l'illustration même. Nous voilà embarqués dès les premières images dans une chambre glauque, effrayante, où une femme semble se faire violer, faisant craindre une affligeante série Z ou un thriller de mauvaise qualité. Heureusement, une voix s'élève et l'on comprend que le narrateur va nous parler d'un hôtel, à travers sa chambre 27, qui a eu ses heures de gloire, et a connu, comme le monde occidental, déchéance et perte de sens. Justement, le réalisateur nous entraîne dans les années 50, dans un noir et blanc somptueux, où il est question de deux amants contraints de se séparer. Le ton est lancé. Toute le film est constitué d'une savante superposition de scènes d'amour, de séparation, et de vie, avec quelques héros en fil conducteur comme cette tendre femme de chambre, ou ce chansonnier de génie qui meurt d'overdose. "Hotel Singapura" est une œuvre complète et universelle. Jamais vulgaire, elle regarde des couples faire l'amour, se désirer, se détester, finalement mettre en scène la comédie humaine qui nous concerne tous. C'est un film qui parle de joie, de désespoir, de désir, d'identité sexuelle, bref un film qui fait le tour de nos humanités. Jamais confus, le scénario, a priori assez proche d'une succession de scénettes de théâtre, parvient à donner vie à une cohérence miraculeuse du récit, un peu à la manière d'une fugue de Bach, dont on ne sait comment le génial auteur parvient toujours à faire retomber sa musique sur ses pieds. La sensualité traverse tout ce récit, où le spectateur vibre autant qu'il se trouble face à ces corps sublimes, assurément cinématographiques. Bref, "Hotel Singapura" est un voyage dans nos intimités les plus sensuelles et secrètes.