Ah, les films de possession, voilà un sous-genre du cinéma horrifique qui semblait depuis plusieurs années condamné à se répéter éternellement en étant plus que l’ombre de lui-même (exposition d’un protagoniste tout ce qu’il y a de plus lambda, libération d’une force maléfique, actions et paroles à l’encontre de la personnalité du protagoniste, violence exacerbée, jets de vomi vert fluo, rotations de tête à 360°, exorcisme libérateur, protagoniste heureux, le soleil brille les petits oiseaux chantent et tout va bien, générique de fin). Mais il y a un petit malin, Jordan Galland, qui arrive avec son bébé pour nous proposer un petit renouveau du genre en se basant sur une seule idée : qu’est ce qui se passe après un exorcisme ? C’est ainsi que "Ava’s Possessions" nous prend à rebrousse-poil (rien que le titre, on est déjà en plein paradoxe !) en nous invitant à suivre Ava, une jeune fille qui vient tout juste de se faire exorciser après plusieurs jours de collocation forcée avec un démon qui a fait quelques dégâts sur son passage. Elle va alors tenter de reprendre le contrôle de sa vie, de son corps, de ses relations et de s’excuser tous ceux qu’elle a pu blesser…Et oui, voilà la grande originalité de "Ava’s Possessions" : traiter la possession de façon décalée comme un mal qui vous ronge et donc les conséquences se répercutent sur « l’après » tout en mettant en avant deux questionnements précis et intéressants : 01) La rédemption est-t-elle possible pour les ex-possédés ? et 02) Le démon attaque-t-il un innocent purement au hasard ou ce dernier est-t-il en partie responsable de sa possession ? La première chose qui m’a plu dans ce métrage, c’est que la possession est reconnue par le gouvernement comme une maladie commune et que l’on puisse suive une thérapie pour pouvoir retrouver une vie normale : ainsi les anciens possédés peuvent se réunir en cercle de discussions pour échanger leur expérience et en tirer profit (une sorte de « Anciens Possédés Anonymes » comme on peut le voir de nos jours pour les alcooliques ou les drogués). Et c’est au cours de ces séances, en cherchant à recoller les morceaux de sa vie, que l’héroïne va chercher à savoir ce qui s’est réellement passé lors de sa possession. S'en suit donc un récit proche du polar où un amnésique enquête sur ces propres actes (un peu comme dans "Memento" et "Angel Heart", toutes proportions gardées bien entendues ! ^^). Bien sûr, cela serait plus facile si le cerveau de la pauvre fille n’était plus en bordel : encore traumatisée, elle doit faire face à des « visions » et à beaucoup de mal à faire la différence entre fiction et réalité. En bref, nous sommes devant un simple (mais pas simpliste !) whodunit tinté de surnaturel qui se révèle être une subtile métaphore du retour à la vie après une addiction où rédemption et rechute se disputent le devant de la scène. Donc, pour tous ceux qui espéraient assister à de l’épouvante pure et dure, "Ava’s Possessions" risque de grandement vous décevoir puisqu’il demeure au final un film très humain : le contenu horrifique à proprement parler est quasi inexistant…Voyez le plus comme une comédie légèrement fantastique que comme un film d’horreur. Côté réalisation, on ne peut que souligner le bon travail de Jordan Galland : la mise en scène fait la part belle aux personnages (les plans larges les mettent en valeur dans leur environnement et des gros plans avec une mise au point très précise sur leur visage et le contour flou imposent leur présence), aux émotions (de nombreux plans obliques insistent sur les brouilles psychologiques de l’héroïne ; la caméra se la joue « sexy » en se fixant sur les seins, les fesses, les jambes, les mains et les pieds des filles lorsque le démon du protagoniste se sert du sexe comme moyen de finalité), et même aux décors (mis en valeur par de lents mouvements panoramiques plutôt classes). Même lorsqu’on passe en caméra portée pour soutenir l’action, cela reste lisible à l’écran (tiens : prends ça dans les dents maudite saga Jason Bourne !!) Il y a aussi un jeu avec la lumière et les couleurs assez intéressant : en journée, on a des teintes plutôt pastels et douces ; alors que le soir, nous avons un effet néon fluo très vif à la limite de la surexposition (ça rappelle d’ailleurs pas mal les giallo de Dario Argento). Alors qu’il n’est pas à proprement dit un film 100% fantastique ou horreur, "Ava’s Possessions" propose aussi quelques scènes pas piquées des hannetons contenant des effets spéciaux convaincants agréables à l’œil (
un ours en peluche vivant, une photo animée, un œil crevé, une dégustation à la mode cannibalisme, corps démembré, le visage de l’héroïne qui devient celui du démon par morphing
). Au niveau du casting c’est plutôt correct sans plus, avec un plus tout de même pour l’actrice principale, Louisa Krause, qui utilise subtilement son physique pour livrer une interprétation intense et très sexy. Mais alors, "Ava’s Possessions" est un film parfait alors ?...Et bien non, en tout cas moi, j’ai été tout de même assez déçu : si le propos et le contexte sont originaux et vraiment intéressants, les révélations et la conclusion du récit sont assez simples dans le sens où on les sent venir vachement à l’avance (certains plans ou dialogues s’attardent trop sur des indices très facilement identifiables). C’est dommage car avec un meilleur traitement, on aurait pu obtenir un final mieux ficelé, voire même une nouvelle surprise bienvenue. Avec "Ava’s Possessions", Jordan Galland réussit un joli petit exploit, celui de proposer une alternative décalée du genre du film de possession et ce, pour mieux le renouveler. Le métrage est donc une sorte de bouffée d’air frais qui prend le spectateur par surprise par son originalité et son approche à la fois sérieuse et drôle. Le seul reproche vient de son aboutissement mal jaugé et très (trop ?) convenu…point noir qui pourra être compensé par le charme de la kawaï Louisa Krause. Si vous voulez voir des exorcismes, des démons et du sang : passez votre chemin !!