Difficile de juger du film de Hirokazu Kore-Eda après les derniers chefs d'œuvre qui ont jonché sa carrière comme le très intimiste "Tel père tel fils", le fascinant "Nobody knows" ou le merveilleux "Still walking". Difficile tant ce film est beau. La photographie est lumineuse, montrant le Japon dans ses plus forts atouts comme ces grandes baies maritimes, ou ces vues depuis la montagne où la végétation croît, ou ces maisons traditionnelles, le long des routes. En vérité, ce nouveau long métrage pose la question de l'esthétique au cinéma, autrement dit s'il suffit de produire des images magnifiques pour faire cinéma. L'histoire est simple, celle de trois sœurs, l'aînée Sachi, médecin et responsable, Yoshino, l'impétueuse, et Chika, la mystérieuse, lesquelles vont à l'enterrement de leur père, et font la connaissance de leur demi-soeur, la touchante Suzu. Elles décident de la prendre en charge dans leur maison de famille. Kore-Eda aime les narrations familiales où chacun doit se construire dans la tyrannie des sentiments et des héritages éducatifs. Cette culture quasi analytique le pousse à une sorte d'esthétique de la lenteur où les paysages intérieurs se découvrent dans des dialogues emprunts de réalisme et d'émotion. Pour autant, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce film. Les visages sont trop lisses, et souvent, l'histoire s'égare dans une forme de récit anthropologique à destination des européens où le spectateur apprend la cuisine japonaise, diverses traditions religieuses, à défaut sans doute de s'enfermer dans un essai d'ethnologie austère. L'histoire ne rebondit pas suffisamment pour donner du corps à cette recomposition familiale qui en reste à des sentiments souvent légers. Le film échappe avec justesse à la mièvrerie qui aurait pu faire penser à une "Petite maison dans la prairie" japonaise. Néanmoins, devant tant de beauté, la précision de la mise en scène, il est impossible de feindre l'indifférence. "Notre petite sœur" est en effet un voyage passionnant dans l'intimité heureuse et douce d'une fratrie japonaise, à déguster comme une pâtisserie un dimanche après-midi.