Notre Petite Sœur donne l'impression de voir Kore-Eda s'interroger sur l'état de notre monde, et surtout de l'humain, de l'individualisme ou encore des valeurs qui semblent se perdre, comme Ozu avec Voyage à Tokyo six décennies auparavant.
Depuis que je m'intéresse vraiment à ce qu'à pu faire Kore-Eda, je ne peux que m'interroger sur le lien entre son cinéma et celui de son illustre prédécesseur, la sensation de voir une similitude dans les thématiques et surtout la façon de les mettre en scène, avec sensibilité, humanisme et surtout émotion. Il y a chez les deux cinéastes japonais une façon assez unique de s'intéresser parfois aux simples petites choses de la vie pour mieux mettre en avant, avec réalisme, un propos fort, sur notre monde et son évolution notamment, et évidemment sans jamais tomber dans la caricature ou autres, loin de là même.
Ici, l'héritier d'Ozu s'intéresse à nouveau à l'absence au sein d'une famille, celle d'un père, mais ce qu'il va surtout mettre en scène, c'est la découverte d'autrui et l’entraide, avec trois sœurs d'une vingtaine d'années recueillant leur demi-sœur de quatorze ans. Il y a cette sensation de voir une famille faire corps ensemble, voir le monde d'une même façon, avec une passionnante évolution des personnages, chacun trouvant chez l'autre un réconfort, une parole ou tout simplement une épaule sur laquelle se reposer, sans pour autant que tout soit parfait, avec toujours quelques non-dits et plaies intérieurs que le japonais met subtilement en scène.
Malgré un sujet qui s'y prête, il n'y a jamais de lourdeur ou d'excès dans cette vision de la famille, mais simplement une chronique douce, réaliste et surtout passionnante. S'appuyant sur une vraie qualité d'écriture, il sublime ces quatre portraits ainsi que le déroulement de l'histoire, sachant viser juste à chaque fois et nous immerger au cœur de simples moments de vies, à l'image des chaleureuses séquences de repas, ou de balades dans la campagnes japonaise, donnant lieu à de magnifiques moments, montrant mieux que quiconque ou presque, les aléas de la vie, les petits moments de doutes ou au contraire d'amour et de chaleur humaine.
Comme très souvent dans son cinéma, et que ce soit plus ou moins approfondi, on trouve en arrière-plan l'image actuelle du Japon, alors qu'il fait ressortir de cette chronique intimiste une ambiance mélancolique, où l'on ressent le parfum d'un regard fort sur la mort et le temps. Il sublime aussi la nature, sachant nous faire voyager dans de magnifiques lieux, le tout sublimé par une très jolie photographie, tandis que les comédiennes sont toutes remarquables, montrant une fois de plus le talent de directeur d'acteur de Kore-Eda.
En digne héritier d'Ozu, Kore-Eda met en scène avec Notre Petite Sœur une douce chronique qui ne sera pas non plus sans amertume, captant avec mélancolie des valeurs fortes autour de la famille, et nous faisant ressentir à chaque instant l'importance de la vie et la sensation du temps qui passe.