"Notre petite sœur", du Japonais Horizaku Kore-Eda (déjà auteur du superbe "Tel père, tel fils" il y a deux ans, voir ma page blog du 30 décembre 2013), est également une petite merveille d'humanité. Trois sœurs, Sachi (que les autres appellent Grande sœur), Yoshino et Chika, vivent ensemble à Kamakura, depuis que leur mère a été abandonnée par leur père. Ce dernier meurt, après s'être remarié deux fois : elles se rendent à l’enterrement et découvrent qu'elle ont demi-sœur, Suzu, âgée de 13 ans, qui a veillé sur le père, malgré son jeune âge, pendant ses derniers mois. Les trois sœurs décident d’accueillir Suzu dans leur grande maison. Le film va raconter le lent apprivoisement de Suzu dans cette fratrie inattendue : en effet, elle ne s'entendait pas vraiment avec sa belle-mère, dernière femme de son père, nantie d'un petit garçon d'un autre lit. Un film familial donc que Notre petite soeur, comme le précédent, ou comme les films de son grand prédécesseur, Ozu. Mais, comme Ozu, en dressant un portrait de famille, Kore-Eda parle de l'humanité en général, de ses petits travers et de ses grands joies, de ses difficultés et de ses bonheurs, du vivre ensemble enfin, sans pour autant renier l'individualité de chacun. Mais le groupe permet de créer un ensemble inoubliable pour le spectateur qui se dit : mais qu'est-ce qu'on a perdu dans notre société contemporaine à vivre séparés chacun dans son coin ou sa bulle ?
Kore-Eda nous propose un vade-mecum de l'entraide et de la solidarité. La grande sœur sert de guide et de mère, malgré ses propres difficultés de vie personnelle (elle est amoureuse d'un homme marié), Yoshino, elle, vit des amours ratées avec une constance qui nous fait rire, Chika, la troisième, est badine et pétillante. Suzu est d'une douceur inébranlable. Peut-être que l'accompagnement d'un mourant l'a mûrie prématurément : mais ça ne l'empêche pas de jouer au football ou d'aimer ramasser des coquillages sur la plage. Son dépaysement ne dure pas longtemps, elle s'adapte dans cette sororité, y trouve sa place, secourt même ses aînées quand elles sont en proie au mal-être. Si Soshi est la mère, elle représente aussi le père que les autres (surtout Chika) ont peu connu. Chacune des quatre va en quelque sorte se (re)construire au contact des autres. Et tout cela est traité avec un sens de la délicatesse, un goût de la nature (beaux paysages), avec humour aussi (voir les passages avec la grand-tante, vieille dame au franc-parler adorable), et en filigrane pourtant, "Notre petite sœur" est une réflexion sur la mort et le deuil. Un très beau film.
Il fait partie des films qui nous réconcilieraient avec l'humanité, s'il en était besoin. Je me demande à écouter les nouvelles actuelles, si justement il n'en est pas besoin !